Tu sais, mon petit homme, maman adore l’école. J’ai toujours aimé les effets scolaires, l’odeur des cahiers neufs et le son de la craie sur un tableau. Je suis passionnée de grammaire, j’adore l’écriture et je pourrais probablement passer ma vie à étudier. Enfant, j’étais toujours première de classe, sans effort. L’école, pour moi, c’était naturel et facile. Je n’ai pourtant aucun mérite; je suis simplement née avec cette aptitude et ce tempérament qui faisaient de moi un modèle parfait de petite écolière.
J’adore l’école et j’ai attendu avec impatience l’entrée à la maternelle de ta grande sœur, cette enfant qui a presque parfaitement hérité du modèle scolaire que je lui ai légué. Je lui ai acheté ses crayons, ses duo-tangs et ses cartables avec enthousiasme, sachant qu’elle y trouverait sa place sans problème et que les lettres et les chiffres n’auraient bientôt plus aucun secret pour elle. Je savais que ta sœur, elle, fitterait parfaitement dans le moule qu’on lui proposerait.
En septembre, c’est toi, mon petit homme, qui commencera l’école. Et, pour la première fois, je ne suis ni excitée ni enthousiaste à l’idée de la rentrée. J’ai acheté tes effets scolaires et ton petit sac à dos avec une boule au ventre, celle-là même qui me rappelle que l’école n’aura sûrement rien de naturel pour toi. Que de te demander de rester assis pendant des heures relève du miracle pour un garçon comme toi qui préférerait plutôt courir et sauter toute la journée. Que le rythme qu’on t’imposera te semblera probablement souvent effréné et que les longues minutes de silence exigées te paraîtront des heures. Que le moule scolaire, pour toi, il sera bien souvent trop petit.
Mon petit homme, ton entrée prochaine à l’école m’angoisse. J’ai peur que tu n’y trouves pas ta place ou qu’on ne te laisse pas la trouver. J’ai peur qu’on te demande d’être ce que tu n’es pas et que tu n’y arrives pas. Qu’on ne voit pas tout ton potentiel, parfois bien caché sous ton surplus d’énergie ou ton imagination débordante. J’ai peur que l’école t’amène à te dévaloriser parce qu’on t’aura convaincu que la seule intelligence possible, c’est celle qui donne des A dans le bulletin.
Mon petit homme, ton entrée prochaine à l’école m’angoisse. Mais, évidemment, tu n’en sais rien. Parce que je continue de te dire à quel point c’est cool, l’école. Qu’on y apprend plein de choses et qu’on s’y fait plein d’amis. Parce que j’ai encore espoir que tu nous surprennes et que ça se passe bien. Que tu y trouves une place parce qu’on aura pris le temps de t’en faire une. Que, toi aussi, à ta façon, tu arrives à aimer les effets scolaires, l’odeur des cahiers neufs et le son de la craie sur le tableau. Et, si jamais le moule est vraiment trop petit pour toi, mon petit homme, je serai là.
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