Il était une fois, deux adultes éperdument amoureux, qui vivaient leur eau de rose à partir sur des « no where », à vivre au jour le jour, à ricaner de leurs oublis farfelus qui les mettaient dans de très curieuses situations, pour ne pas dire, dans l’embarras. À trouver l’autre salvateur d’avoir envoyé promener le commis pour défendre sa moitié. À ne pas avoir fait de cas parce que son partenaire levait le coude pour festoyer les séries. Ou à trouver sa tendre moitié cute d’avoir été timide et réservée en public. Avec la légèreté de l’amour et la liberté de la vingtaine, voire de la trentaine, tout allait comme sur des roulettes, le baladeur sur les oreilles (ou le Ipod selon l’époque).
Puis, arriva la garnotte. Ensuite, la débarque.
Les enfants.
L’arrivée des enfants est une importante transition qui demande énormément d’adaptation pour un couple, ainsi que pour la personne elle-même. L’homme ou la femme. Il n’est pas rare d’observer des traits s’aggraver en trouble de santé mentale après l’arrivée des marmots ou même, apparaître sans préavis. Cependant, dans beaucoup de cas, les enjeux étaient déjà présents. Seulement, le mode de vie sans responsabilités, sans horaire obligé ou de comptes à rendre à d’autres instances comme la garderie ou l’école, gardait le tout en équilibre. Les stratégies gagnantes d’avant se sont avérées inefficaces avec l’augmentation des tâches de parents (boulot-cpe-soccer-devoirs-bain-ballet-épicerie-souper frette). Ou encore, les dommages, impliquant des mauvais choix, n’avaient eu de répercussions que sur la personne elle-même (double-expresso-lendemain de veille au travail).
Avant, il (ou elle), mettait le lait dans l’armoire, les clés dans le pot à fleurs et se rendait par inattention au travail pendant un férié évident. Maintenant, il (ou elle) appelle la dépanneuse pour faire débarrer ses portes de voiture (avec parfois, les enfants dedans), oublie d’aller chercher le p’tit dernier chez grand-maman et doit se procurer 1209837208473 paquets de post-it pour des rappels importants, rendant la maison entière jaune orange, tout en oubliant l’essentiel une fois sur deux. Trouver Doris peut aller se rhabiller.
Avant, elle pleurait sa vie en écoutant Les pages de notre amour (dans le genre gênant en public), avait des sautes d’humeur de SPM (dans le genre, call-toi une soirée de boys, le grand) et pouvait périodiquement passer de l’euphorie au désespoir. Maintenant, elle a traversé plusieurs périodes sombres qui semblaient s’éterniser, semble avoir perdu une forme de joie de vivre au quotidien et a développé une hantise de la visite, poussant son partenaire à inventer des migraines pour éviter les rencontres familiales.
Avant, il (ou elle), courait à gauche et à droite dans toutes les occasions sans s’occuper de vraiment dormir, avait la forme à toute épreuve, était toujours sur tous les albums photos de partys, était connu de tout le monde et avait « l’alcool joyeux ». Maintenant, toutes les sorties ou les événements prennent un p’tit verre pour avoir un sourire, tous les lendemains sont difficiles à vivre, tous les moments émotionnels ne sont pas simples à affronter à jeun. Et ils sont rares.
Mais tout ça, ce n’est pas tant flagrant pour la visite qui n’est pas là dans le quotidien. Mais toi, tu le sais. Toi, tu le vois ton « partner » se détériorer. Toi, l’autre parent, tu tentes du mieux que tu peux de compenser pour les défis de ton coéquipier. Mais tu trouves cela probablement de plus en plus lourd. Parce que ça concerne plus que vous deux sur un road trip. Parce que ça joue dans l’éducation de vos enfants, sur la sécurité de vos enfants même. En même temps, tu l’aimes. Tu as déjà été en amour avec ses particularités, avant que ça joue contre vous.
Ce qui est le plus difficile dans les situations de couple pour celui (ou celle) qui voit les moments tough de son partenaire est que plus souvent qu’autrement, il est le seul à les voir. Et à en vivre les conséquences. La personne qui a des comportements inadaptés comme l’évitement des foules, la consommation d’alcool, de l’inattention majeure ou une perception dépressive, a tendance à justifier son état ou encore, à ne pas le voir du tout, ce qu’on appelle le déni. Tant que la personne n’est pas prête à prendre conscience de son état, elle ne sera pas prête à prendre les moyens pour aller mieux. Dans sa tête, elle est correcte. Son état n’est souvent pas aussi « souffrant » dans l’immédiat que pour la personne qui la côtoie à tous les jours. Parfois, il y a des dynamiques de couple où l’autre personne compense depuis des années et a, malgré elle, nourrit la problématique de son partenaire.
L’important dans ce type de contexte, c’est d’avoir le courage de nommer à l’autre ce que ses choix ou ses péripéties ont comme effet sur le climat familial, sur le couple, sur la confiance, sur l’espoir de vivre en harmonie, etc. En étant le plus possible centré sur les sentiments que cela amène et non pas en mode d’accusations. Il faut comprendre que la personne doit souhaiter elle aussi un changement. S’il n’y a pas de malaise, il n’y aura pas de désir de bouger. Parfois, c’est de rester patient et être prêt lorsque la personne se mobilisera, s’il n’y a pas trop de dommages dans la relation. Il existe de l’aide spécialisée pour les familles qui vivent des défis à combiner leurs rôles de parents avec des enjeux personnels de cette nature. C’est même pratique courante. Personne n’est à l’abri d’avoir un accident de voiture et d’avoir besoin de réadaptation. Personne n’est à l’abri de développer ou d’aggraver un épisode dépressif, un déficit d’attention (TDAH) ou un état anxieux, pour ne donner que ces exemples.
Ils vécurent heureux et eurent beaucoup de courage.
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