Elle publie cent millions de photos de sa progéniture dans un million d’activités éducatives colorées. Sur Facebook, au dîner et au travail, elle parle du bonheur qu’elle vit à la maison. Même son compte Pinterest exalte de bonheur familial et de facilité. Elle réussit à avoir l’air béat en parlant de ses enfants même après une nuit d’insomnie à gérer une crise de dents. Tu te dis souvent que son lavage et son ménage doivent être faits par un clone qu’elle cache chez elle, car elle n’en parle presque jamais ou toujours avec la même désinvolture.
Elle parle de la fête de ses enfants, de la Saint-Valentin et de Pâques avec une multitude d’idées et une euphorie qui te laisse croire qu’elle les célèbre pour la première fois chaque fois. Ses enfants sont toujours uniques et merveilleux quand tu l’écoutes parler. Comme le voisin avec son herbe toujours plus verte que la tienne. Tu la détestes. Tu la détestes du plus profond de ton âme de mère qui fait son gros possible tous les jours.
Et si je te disais qu’au fond, cette mère que tu détestes, c’est moi ?
Je le sais parce qu’avant d’avoir des enfants, on me parlait de cette fausse mère énervante. Celle pour qui tout a l’air si facile, celle qui ne peut pas vraiment être réelle. On m’a tellement dit qu’être mère pouvait être difficile que ça me faisait parfois peur d’en devenir une. Et puis j’ai eu mon premier enfant; à mon grand étonnement, je suis devenue la mère qu’on déteste. Qu’on déteste mais qu’on ne flush pas de Facebook, qu’on écoute raconter ses histoires de contes de fées même si c’est pour en chialer pendant une heure au cinq à sept avec les amies par la suite.
Je le sais et je l’assume, mais même si j’accepte qu’on m’aime pas, j’avais envie de te parler de moi, de te faire voir l’horizon au-delà de ma pelouse verte. Anyway, si tu regardes chez moi, tu vas remarquer en y portant attention que j’ai bien joué dehors avec mes enfants, mais que les fleurs sur ma pelouse, ce sont des pissenlits et ce n’est pas jet set pantoute. C’est juste que dans mes histoires et mon bonheur, moi, je ne les vois plus, les pissenlits. Mais toi, tout ce que tu entends, tout ce que tu vois et tout ce que tu envies, c’est ma maudite joie.
Je te mentirais si je te disais que ma vie est pénible et difficile, mais je ne pense pas qu’elle soit bien différente de la tienne. Je pense juste que tout est souvent une question de perspective. Pis sans mettre des lunettes roses tout le temps, est arrivé un jour dans ma vie où j’ai décidé de vivre le moment présent et de voir le verre à moitié plein. Bon. Aux trois quarts plein.
Je veux te rassurer sur le fait que mon bonheur, je le vis et ne l’étale pas pour te faire chier parce que je ne m’arrête plus à l’inconfort que cela crée chez les autres. Moi, la culpabilité, je la refuse, d’autant plus celle liée de près ou de loin à mon bonheur et à celui de ma famille. Pis je me suis rendue compte que même si ça achale, ça fait du bien d’entendre parler de bonheur dans un monde qui frôle souvent l’horreur. De voir que dans le tout petit, y’a de l’espoir pour le plus grand, pour le monde. Que dans la maternité, y’a pas juste les cernes et les nuits blanches, les pleurs ou les chamailleries entre les enfants.
Mais t’inquiète, j’ai pas l’impression de vivre dans un monde rose pastel avec des chants d’anges. Rien que dans une réalité avec les choix que j’ai fait. Pis si ça peut de rassurer fille, je me rappelle pu avoir dormi plus de trois heures de file, je rentre dans mon linge mou le plus vite que je peux en revenant chez nous et parfois, la G.O. en moi a envie de tirer la plogue.
Mais ça reste que j’aime ça, j’ai appris à aimer les petits côtés crunchy de la maternité et de la vie de famille, et le reste que je peux pas aimer, ben je l’accepte, je laisse aller.
Ça fait que oui, je suis la tannante qui se pavane avec son bonheur, mais rappelle-toi que ton bonheur à toi, il dépend rien que de toi.
Pis à toutes celles qui malgré tout me détesteront pour mon affichage excessif de ce que j’aime et dont je suis fière dans ma vie, ben regardez ailleurs, je ne me cacherai plus jamais. Je suis fière de tout ce que je bâtis, j’aime ma vie et je la vis.
Regarde ailleurs, y’a toujours pire que soi quelque part. Pis si ça te fait du bien de m’haïr, ben gâte-toi.
Ça n’entachera en rien mon égoïste bonheur.
CYNTIA DUBÉ |
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