C’était une journée comme une autre.
Tu vaquais à tes occupations habituelles, tu n’étais ni plus ni moins stressée qu’hier. Fatiguée, comme à l’habitude, comme une maman qui dort plus ou moins bien.
Puis, sans prévenir, c’est arrivé comme ça. Comme un coup de poêle en fonte qui se serait abattue sur ta tête.
En moins de temps qu’il t’en fallait pour crier gare, ça n’allait plus du tout. Tu t’es mise à trembler, tu as eu des bouffées de chaleur, tu étais étourdie, tu avais de la misère à respirer, le cœur voulait te sortir de la poitrine, tu avais la vue brouillée.
Tu as pensé que tu allais mourir. Tu as pensé à tes enfants qui allaient perdre leur maman, à ton chum qui allait être veuf. Tu as eu à peine le temps de t’effondrer par terre et de fermer les yeux, puis plus rien. Tout est revenu à la normale après ces quelques secondes de panique qui t’ont paru durer une éternité.
Tu as googlé tes symptômes, chose à ne pas faire, tu le sais bien. Dr Google t’a exposé une vingtaine de diagnostics. Mais l’un d’eux t’a sauté aux yeux : crise de panique – angoisse. Pourtant tu n’étais pas stressée. Pas plus que d’habitude.
C’était sûrement la fatigue. La fatigue a le dos large. Tu ne feel pas ? C’est la fatigue. Tu es impatiente ? C’est la fatigue. Tu as l’air bête ? C’est la fatigue. Pas le goût de faire des galipettes avec chéri ? C’est la fatigue. Alors tu as oublié et tu n’en parlé à personne.
Mais quelques jours ont passé et ça a recommencé. Au centre d’achats, avec tes enfants. Tu les as ramassés par le chignon du cou et tu es sortie dehors prendre de l’air. Tu étouffais, tu avais la gorge serrée, des palpitations. Les enfants t’ont demandé ce qui se passait avec leurs petits yeux effrayés.
C’est rien, maman est juste un peu fatiguée.
Et malheureusement, avec le temps, ça a empiré. Tu t’es mise à te sentir mal, tout le temps. Tu avais l’impression d’avoir en permanence un choker qui te serrait la gorge et qui t’empêchait de respirer. Ça en était rendu au point où tu avais de la misère à t’occuper de ta marmaille, de la maison et des corvées. Faire les commissions était devenu presqu’impossible.
Tu t’es mise à avoir peur que ça t’arrive encore et de ne pas être chez toi, ou pire, que ça arrive en conduisant avec tes enfants. Pis le monde, qu’est-ce qu’ils diraient ?
Ton chum veut t’aider mais il ne comprend pas trop ce qui se passe. Qui comprendrait ? Tu ne te comprends pas toi-même. Tout ce que tu sais, c’est que tu as perdu le contrôle de ton corps et de ton esprit. Tu ne gères plus ton cerveau. Tu te sens possédée par une bête noire. Tu as beau te répéter que tout va bien, ta tête, elle, continue de te laisser penser le contraire.
Finalement, après des mois de calvaire et de crises, tu vas consulter. T’es à bout, t’es rendue là.
En attendant dans la salle d’attente, tu stresses. Tu as le syndrome du sarrau blanc. Il te fait peur le médecin. Il va te juger, c’est sûr. Assise dans la salle d’attente, la jambe qui shake, tu regardes les murs beiges, la même revue plate pour une cinquième fois qui date de mai 2003, t’as le goût de partir en courant. Puis on appelle ton nom à l’intercom.
Finalement, la rencontre se passe bien. Ton médecin, qui ne te juge pas, te propose plusieurs alternatives pour t’aider. Tu optes pour la médication pour le moment. Tu n’as pas la force d’essayer autre chose. Tu as essayé d’être forte trop longtemps.
Suivant ton traitement, petit peu par petit peu, tu vas de mieux en mieux. T’arrives à bien respirer. Les crises se sont espacées, tu recommences à sortir de chez toi, à voir du monde.
Je veux juste te dire, beauté, que si tu vis toi aussi avec l’anxiété, il y a de l’aide et des solutions. N’aie pas peur d’en parler.
Tu peux la dompter, ta bête noire.
KARINE PILOTTE |
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