La journée a été dure. Rien n’a fonctionné au boulot. Le trafic était épouvantable. Tu t’es pognée avec ton homme pour une niaiserie. Tu as mal à la tête, tu couves peut-être le rhume que ta plus jeune a eu la semaine passée. L’auto fait un drôle de bruit et le budget est déjà limite. Les enfants étaient surexcités, ils n’écoutaient rien. Tu leur as chialé après même si ce n’était pas complètement mérité. C’est toi qui avais les nerfs à vif, tu leur en as fait payer le prix, un peu injustement.
Tu passes la soirée à repenser à ta journée de schnoutte et à te dire que tu as donc mal géré la situation. Tu aurais dû respirer par le nez, être plus douce avec les p’tits.
Il est tard. Il fait noir. Dehors, le vent souffle, la pluie tape fort contre les fenêtres. Tu te prépares à aller au lit, mais avant, comme tous les soirs, tu entres dans leur chambre. Tu fais ta tournée, juste pour être sûre qu’ils sont corrects, avant de pouvoir enfin t’assoupir.
Ils sont si beaux quand ils dorment. Leur peau de pêche, leurs petits corps mous, complètements détendus et abandonnés. Tu écoutes leur souffle lent et régulier, tu regardes leurs petites paupières papillonner. À quoi sont-ils en train de rêver?
À cet instant précis, peu importe ce qui s’est passé aujourd’hui. Une certitude s’impose, tu le sens jusque dans ta chair : ils sont bien. Ils sont heureux, aimés, en santé, en sécurité, au chaud. Ils ont le ventre plein et l’avenir devant eux. Dans ce cocon nocturne, tu as l’impression, l’espace de quelques minutes, que rien ne peut vous atteindre. Vous êtes seuls au monde. Dans cette bulle de silence et de pénombre, vous êtes à l’abri de l’univers comme de vos propres faiblesses.
Profites-en. Ce sentiment de plénitude totale et de douce tranquillité de corps et d’esprit sera un des plus beaux moments quotidiens de ta vie de mère. Savoure-le, accepte-le, chaque jour. Il est vrai, il est réel et il te revient de droit. Il te recentrera sur l’essentiel, t’aidera à remettre un paquet de choses en perspective.
Embrasse leurs petits fronts tièdes, respire au passage leurs cheveux doux au parfum de pomme verte. Remonte les couvertures, replace la peluche échappée sous leur petit bras. Murmure-leur que tu les aimes pour la six milliardième fois.
Va te coucher et dors en paix, maman.
Demain est un autre jour.
MÉLISSA BRASSARD |
J’adore tes textes ??