Il faut que tu l’admettes et que tu t’en confesses, il y a vraiment des journées où le travail représente l’exutoire de ta vie familiale. Des matins où, arrivée au bureau, tu t’écrases sur ta chaise et tu laisses échapper un soupir de soulagement. Enfin ici ! Enfin le silence ! Tu les aimes, tes enfants, mais tu te dis qu’il y a des jours où les obligations familiales pèsent lourd et que tu peux affirmer que tu vas te reposer au travail.
Premièrement, tu te retrouves seule. Juste toi à gérer, un vrai privilège. Tu peux laisser ta paire de yeux se balader sur une chose à la fois. Pas besoin d’avoir des yeux tout le tour de la tête ici. Pas d’hypervigilance, de cœur qui se serre parce que t’as perdu de vue ton enfant cinq secondes. Non, juste toi, tes affaires, tes dossiers, ton ouvrage. T’as l’impression d’être libre de regarder ce que tu veux, te concentrer sur tes tâches sans craindre l’apocalypse.
On va se le dire ça fait du bien aussi d’être dans un environnement où tu n’entends pas un « MAMAN » strident à tout bout de champ. Ici les gens t’appellent par ton prénom, sans crier, sans pleurer, sans chigner. Tes collègues te demandent comment ça va, s’informent de toi. Tu entretiens des conversations d’adulte, des échanges avec un émetteur et un récepteur. T’sais, pas juste les mêmes longues phrases pleines de consignes que tu répètes une centaine de fois par jour depuis cinq ans. Parce que ça aussi ça fait du bien, parler et se faire écouter du premier coup. En plus, c’est valorisant de pouvoir répondre précisément à certaines questions de tes collègues. Tu te sens bonne et intelligente, plus que quand tu dois répondre aux questions existentielles de tes enfants. « Pourquoi les animaux ne sourient pas ? », « Qui a inventé les mouches ? », « Il se passe quoi quand on meurt ? ». Avoue que tu en reviens bien de ces questions-là. Tu réponds du mieux que tu peux, mais tu te sens quand même poche des fois de pas être capable de fournir une réponse rationnelle et intelligente. Nathalie au bureau, elle, elle s’en fout pas mal de qui a inventé les mouches.
Réalises-tu aussi qu’au travail tu as davantage de latitude pour gérer ta propre personne ? Ici t’es maître de tes envies de faire pipi. Tu y vas quand tu as envie, et en plus (avantage non négligeable ici) personne n’entre dans la salle de bain ou te crie après pendant que tu fais ce que tu as à faire. Tu vas à la toilette quand tu veux. Pas juste quand tu réussis à trouver quelques secondes entre les vêtements à plier, les transports à faire, la popote ou les devoirs.
Au bureau, tu bois ton café chaud, tu manges chaud le midi et tu as même du temps pour mastiquer tes bouchées. Pas besoin de parler la bouche pleine pour donner une consigne ou te lever aux deux secondes pour aller chercher quelque chose qui manque.
Parfois, tu trouves le tour de t’ennuyer de ta marmaille et tu as souvent normalement le goût de les retrouver une fois le boulot terminé.
Dis-toi que c’est peut-être de là qu’elle provient, ton énergie pour affronter ta soirée avec les enfants.
Directement puisée dans la journée que tu viens de passer sans trop t’en rendre compte à te reposer au bureau.
MARIE-ÈVE BAILLARGEON |
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