Est-ce que je suis la seule à trouver que ma vie ressemble à mon armoire de plats Tupperware?
T’sais l’armoire qui, à chaque deux semaines, demande qu’on la replace de fond en comble mais qui, inévitablement, finit toute pêle-mêle moins de quarante-huit heures plus tard alors que tu ne trouves plus le couvercle du plat tant convoité ?
Toi aussi, tu te sens de même. Surtout de septembre à mai. Pis si t’es comme moi, en juin tu décroches ou t’abandonnes, mea culpa.
L’année scolaire commençant, t’es pleine de bonnes intentions. La première semaine, l’épicerie est faite minutieusement, les lunchs feraient pâlir d’envie Martha Stewart, les devoirs et leçons religieusement complétés, les envois de courriel au comité réglés puis, oups, on lance le premier plat dans l’armoire par manque de temps. Un jour où il y a cours de guitare, on saute et remet à demain un soir de devoir.
Mais le lendemain, t’es pognée pour le faire, alors, tu sautes une leçon, pas question de faire manquer la danse à la dernière, ça coûte assez cher. Donc, c’est le deuxième plat que tu déposes maladroitement dans l’armoire. Tu t’encourages en te disant que la semaine prochaine, tu feras mieux et que tu reprendras le fil mais t’avais pas prévu que tu aurais à te taper, pendant tout le week-end, une campagne de financement quelconque en plus de devoir assister à l’anniversaire de la belle-sœur à St-Colomban.
Rendu en octobre, tu as déjà des mauvais plis et ton armoire ressemble à une pyramide de plats qui tangue dangereusement mais tu les replaces à la va-vite en te disant que tu le feras dans un moment.
Tu essaies tant bien que mal de planifier dans ton horaire quelques soupers d’amis d’ici décembre, parce que tu veux entretenir ta vie sociale, et ne pas te ramasser, dans dix ans, lorsque tes enfants seront grands, seule et sans amis pour fêter tes cinquante ans. Alors, tu prends le téléphone et tu regardes l’horaire possible avec la conjointe de l’ami de ton chum qui a trois gars qui jouent au hockey, qui a des disponibilités plus rares que Barack Obama et qui te promet de te rappeler dès qu’un trou dans son horaire se libérera.
Vient le temps des fêtes. Par chance, tu es fonctionnaire donc tu bénéficies de deux semaines où tu peux replacer ton armoire de Tupperware. De toute façon, tu t’es promis que ce ne serait pas comme les autres années, que tu ne fêterais que le 24-25 et 1er de l’année, que les autres jours tu resterais à la maison, à essayer de te rapprocher de tes rejetons, à dormir tard , à ne pas culpabiliser si ta maison est sale et à faire du ménage dans tes plats de plastique. Mais tu te retrouves finalement à vouloir voir tout le monde, tu te farcis la parenté même éloignée, tu souris machinalement en préférant cent fois être ailleurs, mais tu avais promis à ta sœur. Tu reviens de ton deux semaines encore plus vidée, mais pleine de bonne intentions, que cette l’année qui commence sera celle où tu respecteras tes résolutions et tu lâcheras prise pour vivre au lieu de survivre.
Après seulement quelques jours, l’envie de te remettre à la tâche à fond la caisse te reprend : tu te sens mal de servir des repas préparés plusieurs fois par semaine, tes mardis tacos sont devenus le repas préféré des enfants et ta progéniture ne saute plus de joie lorsque tu rapportes du McDo ou de la pizza. Tu as toujours une brassée qui moisit dans la laveuse et une autre qui crie à l’aide de pouvoir enfin sortir après deux jours de la sécheuse et tu envies ton amie, celle qui a une maison toujours impeccable, qui ferait rougir le guide alimentaire canadien par l’équilibre de ses repas, qui s’entraîne trois fois semaine et qui n’a jamais bu de café, mais surtout, la fille dont l’armoire de Tupperware est toujours parfaitement rangée, pendant que toi, tu lances ton plat en refermant rapidement la porte pour ne pas que le reste s’écroule.
Pis finalement, en juin, tu regardes ta maison, ton lavage, tes enfants, ta vie et ton armoire de Tupperware, en te disant que le tout s’écroule, que même la porte de l’armoire ne ferme plus.
C’est à ce moment-là que tu enclenches un grand ménage en te disant que si tu n’avais pas laissé les choses traîner, tu n’aurais eu que quelques plats à replacer.
La bonne nouvelle, c’est qu’avec le temps, plusieurs plats disparaissent ou sont égarés. Ce faisant, t’en a moins à replacer.
Tu te promets que maintenant tu garderas ton armoire bien rangée au quotidien mais ton expérience de vie te dit que t’as la mémoire courte et que ton armoire de Tupperware sera à revoir.
Perpétuellement.
JULIE DUCASSE |
Hahaha ! J’adore et c’est tellement ça la réalité ! Bravo Julie beau texte juste ! Si les journées pouvais avoir 30 heures on aurait peut etre le temps des faire nos anoures de plats ! Hihi !