Chère belle-fille,
Aujourd’hui, j’ai le goût qu’on se dise les vraies affaires. Tu es encore trop petite pour comprendre. Mais un jour, tu saisiras. Tu verras la vérité, la sincérité et l’amour derrière mes gestes maladroits.
Tu sais, je ne t’ai pas voulue, ni désirée, comme mes propres enfants. Contrairement à ton papa, je ne t’ai pas choisie. Tu faisais partie du package deal, du forfait en vigueur, du spécial du mois. Je suis en amour par-dessus la tête avec ton papa, ce méchant monstre qui est parti de votre maison en laissant ta maman pleurer toutes les larmes de son corps trahi. Cet être qui t’aime plus que tout, il m’a choisie, moi, la méchante, la sorcière, la voleuse d’enfants.
Je sais que cette nouvelle vie n’est pas toujours facile pour toi. Eh bien crois-moi, ce n’est pas tous les jours facile pour moi non plus. Les repas partagés, l’heure du bain, le temps passé devant la télé, tout a changé depuis que tu es là. Tu es petite mais tu prends tellement de place. Je tente de prendre la mienne à travers les accolades de mes cocos, les pleurs de l’un et les cris de l’autre. Tu ne t’en rends pas compte, mais je garde mes distances par crainte de faire des faux-pas.
Parce qu’il y a l’ « autre », qui suit mes faits et gestes à distance. Peu importe ce que je dis, ce que je fais, ce que je pense, ce n’est jamais assez bien pour ta maman. Elle me voit comme l’ennemie à abattre, c’est certain. Elle doit dormir l’œil ouvert quand tu es avec moi, je la sens, attendant la moindre faille pour me tomber sur la tomate. La poule mouillée en moi a parfois peur de mal faire, donc je me tiens loin de toi. Je te protège, je me protège, mais surtout, je protège la relation que tu as avec ton papa. Je suis parfois jalouse, mais l’adulte prend le dessus sur la petite fille qui dort en moi et oublie ses propres besoins et fait passer les tiens au premier plan. J’ai de la peine en silence, moi aussi, tu sais.
Quand tu dors, ton papa et moi on se chicane parfois. Parce qu’on veut que tu sois bien. On veut que tu aies le goût de venir dans ta deuxième maison, avec nous tous, avec moi. On cherche le mode d’emploi, les mots à utiliser, la marche à suivre. Tu as une très grosse bulle qu’on tente de ne pas percer. J’aimerais dire que ce n’est pas de ta faute, mais ce serait te mentir. C’est carrément de ta faute si on s’engueule et on se boude de temps en temps, ton père et moi. Mais tu ne fais pas exprès. Tu es un enfant et un enfant ça pense à son nombril. Et ton nombril, il prend de la place en maudit. Mais n’oublie pas que tu as le droit à l’erreur, toi.
Il y a aussi les règles. Que tu dois observer. Que j’essaie de t’inculquer tout comme je le fais avec le reste de la tribu. Je marche sur des œufs, je prends des gants blancs, je parle doucement. C’est toujours plus compliqué avec toi. J’ai parfois pas le choix. Je veux être juste. Pas jugée. Les yeux levés au ciel, les moues déprimées, les faces d’enterrement, j’en ai souvent. J’en ai souvent ras-le-bol aussi. Tu sais, pour compenser, un petit merci de temps en temps ne ferait pas de tort…. Mais t’en fais pas, je suis patiente.
Au moment où j’écris ces lignes, je ne t’aime pas. Je te prends dans mes bras quand tu me le permets, j’accueille tes rares sourires, je te donne l’affection dont je suis capable. Je nous laisse le temps. Le temps de panser nos blessures.
Le temps de t’apprivoiser, toi, ma belle-fille, la petite bête farouche qui est entrée dans ma maison par la porte d’en arrière.
Ta méchante belle-mère
LA COLLABORATRICE DANS L’OMBRE |
Wow. Magnifiquement dépeinte, cette détresse tabou qu’on ne se permet pas d’exprimer. Oser sortir de l’ombre ce sentiment d’impuissance face à cette situation imprévue et inconfortable, sans avoir peur de se faire juger par les hypocrites qui hurleront que ça ne se dit pas mais que la violence les ronge eux-mêmes. Après tout, qui a dit qu’on devait aimer tout le monde? Qui a dit que les enfants, même les nôtres, sont tous aimables? C’est, je crois, par amour qu’on avoue de pas aimer suffisamment. Ça nous permet ainsi de passer à un niveau supérieur qui se situe quelque part entre « essayer d’aimer » et « aimer véritablement ».
comme tu as raison Marie-Lou ….. moi meme belle mere depuis 2 ans, d une fille de 17 ans ….. aie aie aie …. au debut j ai cru – et je mettais tout en œuvre – pour qu elle soit bien ….. puis petit a petit, cette distance, ce NON AFFECT …. cc est horrible mais je mets les mots … ce n est pas MA fille, ca ne le sera jamais et non je ne l aime pas comme je peux aimer ma fille ou mon fils … bien entendu je ne lui veux pas de mal , mais je suis impermeable – insensible …. elle m agace – je dois sans doute l enerver ……. et le pere qui ne voit rien … donc, on se dispute …… car je vis mal cette indifference mutuelle …. alors non on ne peut pas aimer tout le monde et on est pas obligées d aimer les enfants de ….. et oui c est pas politiquement correct à dire mais tant pis, j ai toujours ete un peu rebelle !!!! bonne soirée a toi Marie-Lou
Wow, super. J’en avais besoin de celui là. : )
Ce texte à été écris pour moi………….mon dieu !! C’est la situation dans laquelle je vie depuis plus de 6 ans !! Mais pas pour une seule belle-fille mais deux !!
Merci de vivre la même chose que moi, malgré que ce soit difficile. C’est bon de ne pas se savoir seul dans ce genre de situation.
Tu as casse une famille pour avoir la tienne. Il faudra que le papa fasse la même chose avec toi quand les premiers signes de fatigue viendront.
Elle ne t aime pas non plus la petite ,quand elle le réalisera qui tu as été
Tu n’es pas là méchante ..tu es pire