On regardait le ciel, bien collés, dans une odeur de fumée. Papa préparait le bois et alimentait le feu. On attendait les étoiles filantes, on se croyait prêts.
Et puis, un petit chemin lumineux s’est dessiné au loin devant tes grands yeux et tu l’as vu.
Tu savais que ça arriverait, mais ça t’a surpris.
Tu connaissais la marche à suivre. Tu as fermé les yeux afin de faire un vœu. Puis tu as soupiré. C’était un soupir entre l’excitation et l’impuissance. À ce moment, j’étais incapable d’en déterminer l’essence.
Je t’ai longuement regardé te recueillir, les yeux fermés, presque plissés. Je me rappelle avoir pensé que cette soirée était parfaite et que la vie au ralenti n’était pas surfaite.
Puis tout a éclaté.
« J’ai souhaité que tout le monde soit gentil maman » m’as-tu révélé en haussant tes petites épaules.
Je t’ai regardé stupéfaite de te voir enfreindre les codes du secret du souhait.
« Je peux te le dire mon vœu parce que de toute façon, c’est impossible qu’il se réalise. » m’as-tu lancé avec une peine au cœur mal dissimulée.
Tu avais délibérément choisi de me le dévoiler, sachant bien que jamais il ne se réaliserait. Tu attendais ma réaction, tu étais certain d’avoir raison.
Une panique m’a envahie. Les questions se sont bousculées. Mon cœur s’est fracturé en imaginant le pire et en redoutant le mauvais. Comment ce petit être, pour qui j’ai filtré le laid ambiant, tamisé les violences humaines et décoré le cœur de couleurs, pouvait en savoir autant sur l’humanité et ses tumeurs ?
Je savais que tu l’apprendrais. Ma tête croyait pouvoir t’expliquer un jour le monde et ses blessures. Mais mon cœur n’était pas prêt.
Pas ce soir, pas au chalet, pas avant que tu sois solide et complet.
Puis j’ai compris.
Tu étais mon étoile filante.
Je savais que ça arriverait, mais tu m’avais surprise.
Tu avais pourtant raison, mon garçon. La méchanceté sous toutes ses nuances viendra teinter ton existence. Tu avais le droit de me partager ton secret. Non, ce monde ne sera jamais à l’épreuve du laid. Tu devras traverser des chemins obscurs, mais crois-moi, il y a moyen de s’entourer d’assez de lumière pour avancer sans devoir porter le poids des lampadaires.
Promets-moi de ne jamais attendre une étoile pour me dévoiler tes secrets et de toujours te donner le droit de me parler si ton cœur est endommagé.
C’est mon souhait.
La nuit a continué d’avancer. Le feu a dansé et papa est venu nous rejoindre pour se coller.
Mon cœur est redevenu chaud quand tu nous as avoué, avec ton sourire troué, que tu avais un autre souhait qui te remplissait de joie.
Mais que celui-là, tu le gardais pour toi.
J’ai alors secrètement remercié le ciel étoilé. Ses lumières te permettaient aussi de croire en la beauté.
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