Y’a de cela plusieurs années, tu te concentrais peut-être sur une carrière. Quelque chose qui te passionnait et qui faisait vibrer la fibre professionnelle en toi.
À l’arrivée de ton premier enfant, les choses ont quelques peu été modifiées. Mais si ta profession te permettait un peu de flexibilité et que tu pouvais gérer le moindrement tes propres horaires, Amen, ça allait bien.
À la suite de ta promotion de maman-au-pluriel à l’arrivée du deuxième, on ne va pas se cacher que ça a donné un grand coup quand tu as compris qu’il n’y avait que vingt-quatre heures dans une journée et que quand bien même tu jouais à Tetris pour faire entrer toutes tes tâches ménagères quotidiennes en plus du travail, tu n’y arrivais pas toujours.
Alors quand la vie a fait en sorte que t’es devenue maman-puissance-3, y’a bien fallu que tu fasses un meeting avec toi-même pour déterminer ce qui resterait, ce qui prendrait le bord et ce qu’il fallait que tu mettes en place pour t’aider dans ta nouvelle vie.
Force est d’admettre que la première chose à laquelle tu t’es affairée, c’est la question de la job. Liste des pour et des contre. Patrons et collègues compréhensifs ? Oui, jusqu’à un certain point. Horaires malléables ou horaires allégés possibles? Non.
Ça fait que c’est là que tu pars en quête de l’emploi qui convient à ton nouveau rythme de vie.
Tu fouilles pendant des semaines, des mois, à la recherche de postes qui conviennent à tes horaires, mais surtout qui feront en sorte que ça ne devienne pas rapidement un boulet au lieu d’un boulot. Tu postules. Sans succès. Pas de retour d’appel. Pas de courriels. Niet, nada. Juste une grande déception et une grosse peur de ce qui s’en vient. Avec le peu de sommeil que tu n’accumules pas depuis des mois, tout paraît pire et déprimant que ce ne l’est vraiment.
Arrivent les entrevues.
Il te semble qu’il était quand même facile de répondre aux questions posées dans le temps.
Mais maintenant, quand on te demande si de travailler en surtemps, les soirs et les fin de semaines t’incommode, tu sais pas trop quoi répondre. T’as envie de montrer que tu veux travailler, mais ta vraie job, l’autre, elle t’attend tous les soirs à la maison. Avec des bottes pleines de sable mouillé, de la vaisselle sale dans l’évier et du linge à laver.
Quelle est ta plus grande qualité? Le multitasking. Tu peux faire dix choses à la fois en pensant à ce qui est déjà fait et ce qu’il te reste à faire. Gérer des crises perpétuelles et le développement de ta progéniture tout en assurant la maintenance de ton foyer. Mais ton interlocuteur, lui, ne voit que la maman-de-trois-enfants-qui-va-s’absenter-sur-une-très-longue-période-de-temps-juste-pour-une-gastro-qui-ne-finira-plus-de-finir.
Quel est ton patron idéal? Tu ne veux pas mentir mais l’expression conciliation travail famille te brûle les lèvres. Veux-tu vraiment t’assurer de mettre la hache dans le peu de chances qu’il te restait d’être embauchée? Tu les vois déjà jeter ton curriculum vitae aux vidanges un coup que tes fesses auront passé le cadre de porte.
La question qui tue sur le salaire demandé. Tu le sais ce que tu veux. Ce que tu vaux aussi. Mais t’as peur de le demander. Parce que toi aussi t’sais, t’as peur de voir si tu vas être capable de la livrer, la marchandise. D’être là à tous les matins, prête à travailler. Sans être inquiète que ton plus jeune ne s’ennuie pas trop de sa maman. Sans toujours te demander ce que tu vas faire pour souper parce que t’as pas eu le temps de préparer tous les congelés de la semaine le dimanche comme prévu, parce que le rhume s’est entiché de la famille entière et que, pour affronter la semaine, vous vous deviez tous de dormir. Sans toujours penser au ménage qui t’attend. Et j’en passe.
Quand es-tu prête à commencer? Demain ou jamais, tu jongles entre les deux options. Parce que t’as hâte tout en n’ayant aucune envie de recommencer à courir. Tu penses à une nounou, une femme de ménage, un service de traiteur. Avec trois enfants, une maison, un chum, un chien, oui, tu l’as compris, le temps c’est de l’argent. Mais à quel prix ?
Tout compte fait, après cette ruée vers l’or, t’es chez toi, dans l’attente d’un appel. Négatif ou positif, ça ne te dérange pas, mais t’as juste hâte de savoir comment tu vas t’enligner. Il est là, le gros de tes angoisses.
Est-ce que je vais manquer de temps pour encore être une si bonne maman? Est-ce que j’aurai de la place dans mes horaires pour redevenir l’amoureuse, l’amante que j’étais il y a quelques années? Est-ce que j’aurai le temps de me retrouver, moi, dans toute cette cohue-là?
C’est difficile à imaginer, mais dans quelques années, probablement que la direction de l’entreprise qui aura vu le vouloir et le pouvoir de la femme en toi te donnera une bonne tape dans le dos, te félicitant pour tout ce que tu fais.
Et si ce n’est pas le cas, alors tant pis pour eux.
Toi tu le sais que tu l’as eue ta promotion, tes enfants te le prouveront à tous les jours.
LA COLLABORATRICE DANS L’OMBRE |
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