À toi, papa, qui me laisses grandir sans toi

Papa,

Même si je ne suis pas en mesure de te l’écrire ni de te le dire puisque je suis encore trop jeune pour véritablement comprendre ce qui m’arrive et t’exprimer ce que je ressens, aujourd’hui, j’aimerais te parler.

Si j’en étais capable, je voudrais te dire que les moments passés avec toi, même si tu en doutes sûrement à cause de mon jeune âge et de ta courte présence dans ma vie, ont été d’une importance significative. J’aimerais te dire que même encore lorsque je prononce le mot papa, dans un des souvenirs éparpillés au fond de mon esprit, je vois ton image dans ma tête.

J’aimerais te dire que je me souviens encore de l’éternité qu’a paru mon attente, le soir où tu as oublié de venir me chercher. Les jours passent et depuis tout ce temps qui, j’ose le dire, est irrécupérable, je vis ma vie en imaginant que tu avais une bonne raison de m’oublier et de me laisser t’attendre près de la porte ce soir-là.

J’aurais aimé que tu sois là pour me voir grandir. Que tu voies toute la force et la détermination que j’ai mises en oeuvre pour accomplir une multitude de petits miracles jusqu’à présent. J’aurais aimé que tu me voies apprendre à faire du vélo et que tu cries mon nom pour m’encourager dans mes parties de soccer du jeudi soir. J’aimerais que tu connaisses les petites choses qui me passionnent, ce que j’aime manger pour déjeuner et ce en quoi je me déguise à chaque Halloween. J’aimerais que tu saches que je crois encore au Père Noël, mais que je ne sais plus si je peux croire en toi.

M’entends-tu parfois t’appeler ? Entends-tu l’importance que le mot « papa » a encore pour moi même après toutes ces années ? Tu t’es bâti une vie loin de moi, comme si la distance créée éloignait nos cœurs. Comme si le temps effaçait le chagrin. Sauf que rien ni personne ne peut ou ne pourra m’enlever l’amour que tu essaies de taire. Ni même la distance ou le temps.

Tu sais, je ne comprends pas ce que j’ai fait de mal pour mériter ton absence. Est-ce que c’est parce que mon amour pour toi est trop vrai, trop pur ou trop naïf ? Est-ce parce qu’il est sans condition, ni égoïste ni orgueilleux ? Est-ce que c’est parce que je te sers trop fort lorsque je fais des câlins ? Tu sais, je ne connais pas ma force lorsque je montre que j’aime.

Si tu savais papa à quel point je te trouve différent des autres. J’entends mes amis me raconter les centaines de moments qu’ils vivent avec leur père et mon cœur se questionne chaque fois à savoir ce que j’ai fait pour ne pas avoir le mien. Un père devrait être là non ? Il est censé s’ennuyer quand il ne voit pas son enfant et se demander sans cesse s’il va bien ?

Je ne pense pas que tu manques d’amour, papa. Mais je pense que tu manques de courage. Que des peurs accumulées au fond de ta tête ont rapidement pris le dessus sur ton cœur. Mais je suis triste parce que j’aurais pensé que mon amour valait la peine que ta tête et ton cœur se battent plus longtemps.

Malgré tout, papa, ne t’inquiète pas trop pour moi. J’ai la chance d’être entouré de personnes qui m’aiment et m’encouragent à me dépasser. Des gens qui me montrent ce à quoi l’amour ressemble. Des gens qui m’enseignent la persévérance, le respect et le courage. Avec le temps, j’apprendrai peut-être même à avoir le courage que tu n’as jamais eu.

Grâce à ceux qui m’aiment, aujourd’hui, ton abandon me semble petit à petit plus banal. J’ose tout de même te dire que ce trou dans ma poitrine auquel j’associais jadis ton nom avec ton visage est toujours là. Ce nom, que je porte sans trop savoir pourquoi et qui restera la seule chose de l’homme qui était pour moi, le plus fort et le plus important du monde.