À toi, belle-maman, j’aimerais te dire tant de choses, mais je n’en ai pas le courage.
Nous étions si proches. L’idée que ce soit moi que ton fils ait choisie pour porter tes petits-enfants te réjouissait tellement.
Puis je suis tombée enceinte et tu t’es immiscée dans notre cocon. Tes paroles se sont doucement introduites dans notre bulle, créant d’imperceptibles fissures qui ne feraient que grandir.
Quand j’ai fait une fausse-couche, tu m’as exprimé à quel point tu étais bouleversée. Pas pour moi, qui subissais le plus grand deuil de ma vie, mais pour toi, qui devrait reporter ton rêve d’être grand-maman, les marches en poussette et les parades dans le quartier avec un tout-petit, comme tes voisines.
Puis mon bébé est né. Mon petit bébé à moi. Mon petit bonheur.
Oh, belle-maman, que tu en étais heureuse. Enfin, tu pouvais réaliser ce grand rêve de cajoler, de garder, de nourrir à nouveau, tes propres enfants étant devenus grands. Mais tu as vite déchanté quand j’ai mis des limites à tes heures de visite et nos passages chez toi. Tu as cru bon de me dire que tu étais déçue et j’aimerais te dire que je suis désolée que ton rôle face à notre enfant, qui n’est pas le tien, soit moindre que celui que tu avais imaginé.
Depuis, tu as maintes fois dépassé les limites que nous nous étions fixées comme parents. Tu as maintes fois prononcé des paroles qui se sont imprimées dans mon esprit et que je n’arrive pas à oublier. Tu as maintes fois démontré ta déception, ta colère de ne pas être la grand-mère que tu t’étais imaginée être. Tu as maintes fois témoigné, par de nombreux gestes et d’incessants soupirs, ton mécontentement de ne pas avoir un rôle absolument essentiel, un rôle de première ligne, dans cette belle grande aventure qu’est la nôtre.
Les minuscules vêtements que tu as achetés pour notre bébé dans le but de les lui mettre quand tu le garderais ne font plus. Les multiples accessoires pour bébé s’entassent sous la poussière dans une garde-robe, oubliés, inutiles. Les suces newborn auraient été plus utiles chez moi, mais, tu n’as pas voulu l’entendre. Belle-maman, tu m’en vois navrée, mal à l’aise. Il n’a jamais été question que mon bébé passe plusieurs nuits chez toi alors qu’il est encore si petit.
Je dois avouer que j’appréhende désormais tes visites. Je me crée des excuses d’avance pour m’éclipser quelques minutes avec bébé lorsque tu es là. Je me prépare en amont aux petites batailles que seront chaque moment où je dois le reprendre de tes bras pour lui porter un quelconque soin. Je me parle pour que mon visage ne trahisse pas mon sentiment lorsque tu lui chuchotes que tu aimerais donc l’allaiter, que tu aimerais donc qu’il vienne passer plusieurs jours chez toi sans sa mère contrôlante, que tu aimerais donc qu’il te ressemble davantage, car il a mes traits.
Belle-maman, un mur s’est bâti entre nous. Un mur d’incompréhension, de limites brisées, de commentaires désobligeants. Un mur que ni toi ni moi n’avouerons avoir bâti, pierre par pierre.
Belle-maman, nous souhaitons la même chose toutes les deux. Nous voulons que cet enfant que nous aimons tant soit bien entouré, bien soigné, bien éduqué. Ne te trompe pas; je souhaite qu’il t’apprécie, qu’il aime tes visites, qu’il nous voit, toi et moi, main dans la main.
Belle-maman, c’est dans le respect une de l’autre que nous parviendrons à nous comprendre. Tente de te mettre à ma place et je te promets que je ferai la même chose.
Je reconnais les traits du narcissisme. Si votre belle mère souffre de ce trouble du comportement, je crains que vous ne trouviez jamais d’issue pour une relation apaisée. Ça ne s’arrête jamais. C’est une construction mentale pathologique vraiment profonde. Pour résumer, il faut comprendre que l’autre n’existe pas vraiment pour les narcissiques. Et lui même n’a pas d’identité propre. Alors il se projette désespérément dans ses idéaux fantasmés pour exister, et ne supporte pas que l’autre existe de façon autonome, avec une personnalité propre qui lui fait défaut. Si vous incarnez un de ses idéaux, c’est encore pire, vous êtes littéralement une menace existentielle. Symboliquement, il cherchera à vous détruire pour prendre votre place, et ce de façon extrêmement subtile. La seule façon de cohabiter avec un narcissique serait d’être son obligé, et jouer dans sa pièce de théâtre sans jamais remettre en question son rôle principal, tel qu’il se rêve. Tout ce qui sort de son scénario résultera en conflits larvés, attaques déguisées, jeux de culpabilisation, victimisation, diffamation… ce sont des personnalités extrêmement toxiques, complexes, manipulatrices, voire machiavéliques. Il faut maintenir une distance ferme, se fier à ses ressentis et s’informer sur ce trouble psychiatrique. Si vous vous sentez coupable d’être vous même, c’est le signe que le narcissique est déjà rentré dans votre tête.