Mon enfant, je doute souvent de la maman que je suis.
Je doute parfois de moi quand tu es triste. Dis-je les bons mots pour te réconforter ? Dois-je te laisser seul pour que tu donnes le sens que tu souhaites au sentiment qui t’habite ou dois-je te demander de mettre des mots sur tes émotions pour que tu les comprennes mieux ? Il m’arrive moi aussi de vouloir être seule quand je n’ai pas le moral, mais il m’arrive aussi de souhaiter être réconfortée, que quelqu’un fasse un pas vers moi pour me serrer dans ses bras. Alors il m’arrive de ne pas savoir quoi faire devant ta peine.
Je doute parfois de moi quand tu es en colère. Accepter ton émotion, ne pas la nier, mais poser les limites. Tu cries et j’ai aussi envie de crier. Comment te faire savoir que tu as le droit d’être fâché sans pour autant manquer de respect aux autres ? Poser le cadre mais avec bienveillance. Je suis moi aussi parfois tellement exaspérée que je hausse le ton, contre toi, ta sœur, ton papa. Alors il m’arrive de ne pas savoir quoi faire devant ta colère.
Je doute parfois de moi quand tu ne dors pas. Pourquoi les autres enfants ont un sommeil paisible et pas toi ? Dois-je accepter que tu me rejoignes dans le lit ? Dois-je te laisser affronter tes peurs ? Constamment partagée entre t’aider à grandir et vouloir que tu sois déjà grand, il m’arrive de ne pas savoir quoi faire pour que tu trouves le sommeil.
Je doute parfois de moi quand tu refuses de dire bonjour aux gens. T’ai-je bien appris la valeur de la politesse ? Je ne tiens pas à faire un scandale dans un lieu public, mais je n’ai pas envie non plus de te laisser penser que c’est tolérable à mes yeux. Alors il m’arrive de ne pas savoir comment t’encadrer pour que tu développes les aptitudes sociales qui te seront nécessaires dans l’avenir.
Je doute parfois de moi quand tu refuses de manger. Forcer, pas forcer ? Même goûter, tu ne veux pas. Dois-je t’envoyer au lit le ventre vide ? Dois-je te proposer autre chose ? Tu as besoin de forces pour grandir et affronter la vie qui te demande déjà tant. Tout comme toi, il m’arrive de ne pas aimer un aliment ou d’avoir le ventre noué, de perdre l’appétit par chagrin ou angoisse.
Alors il m’arrive de ne pas savoir quoi faire devant ton refus de te nourrir.
Je doute parfois de moi quand tu ne veux pas aller à l’école. Tu es obligé d’y aller, maman va travailler, maman a des choses à faire et tu ne peux pas l’accompagner. Apprendre, c’est génial. Mais de temps à autre tu es fatigué, tu voudrais trainer en pyjama à la maison, jouer dans ton cocon. Puis-je tolérer une exception ou dois-je te préparer à la vie d’adulte faite d’obligations et d’impératifs ? Moi non plus, je n’ai pas toujours envie de faire les tâches de ma to do list, et il m’arrive de procrastiner. Alors il m’arrive de ne pas savoir comment réagir quand tu me dis que tu aimerais rester à la maison.
Je doute parfois de moi quand tu me demandes de m’arrêter et de jouer avec toi. C’est vrai, je suis là, à côté de toi, mais sans l’être vraiment. Je n’ai pas le temps. Je voudrais, mais je ne peux pas. Est-ce que je ne peux réellement pas ? Ou est-ce que je m’organise mal ? Peut-être que je veux en faire trop ? Que je devrais lâcher prise sur le ménage ? Mais, qui va faire toutes les corvées si je ne les fais pas ? Alors il m’arrive de ne pas savoir quoi te répondre quand tu me demandes de m’amuser avec toi.
Je doute parfois de moi quand tu me demandes de t’acheter une petite voiture ou un déguisement de superhéros. Comment te faire plaisir sans te gâter trop ? Faut-il déjà t’apprendre que l’on n’obtient pas tout ce que l’on souhaite en un claquement de doigts ? Moi aussi, j’ai de temps en temps envie de m’octroyer une récompense sans occasion particulière. Alors parfois, je ne sais pas comment réagir quand tu veux que je t’achète quelque chose.
Je doute parfois de moi dans ma façon d’agir avec toi et ta sœur. Est-ce que mon comportement vous fait sentir que vous comptez tous les deux aussi fort dans mon cœur ? Est-ce que tu ne penses pas que c’est toujours à toi de fournir des efforts sous prétexte que tu es le plus grand ? Il m’est aussi difficile de composer avec les autres parfois. Alors parfois, je me demande si mes interventions et ma façon d’être avec vous deux sont correctes.
La confiance d’une maman est fragile. Chaque enfant est différent et chaque mère l’est aussi. Il n’y a pas de réponse mathématique à toutes mes questions. Tes émotions et les miennes, ta personnalité et la mienne auxquelles on doit ajouter l’environnement et l’éducation ne donnent aucune solution scientifique.
Alors je fais le choix de cesser de douter.
Alors je fais le choix de prioriser mon instinct à l’avis de la voisine, de la tante et du collègue.
Alors je choisis que l’amour suffit et que je saurai être la maman que tu mérites en faisant de mon mieux.
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