Tu pensais que ce serait simple, d’avoir trois enfants. Que tu ne verrais pas la différence au final. Qu’ils allaient jouer ensemble pendant que t’allais prendre un verre de vin en les observant du coin de l’œil avec ton regard maternel attendri pis qu’ils allaient grandir ensemble dans un esprit de fraternité absolu.
Ma pauvre fille, t’as dû avoir ben mal en prenant ta débarque. C’est difficile de ne pas se casser la face quand tu tombes d’un nuage utopique rose bonbon dans une chute de quatre cents pieds vers le dur béton de la réalité. Parce que trois enfants à bord, c’est rien de moins que l’apocalypse dans sa version la plus exponentielle.
#1 Le bruit
C’est automatique. Chaque fois que l’un ouvre la bouche, les autres ont quelque chose à dire. Et question de se faire entendre, ils parlent plus fort dans une escalade de bruit qui t’oblige à demander à tout le monde de baisser le ton pour la trente-huitième fois en une heure avec ta grosse veine du cou qui sautille.
#2 Les goûts de l’un pis de l’autre
T’sais, tes trois mousses ont été propulsé par le même corps avec la même vigueur. Mais force est d’admettre que t’as aujourd’hui devant toi trois entités pas mal distinctes avec des goûts alimentaires aux antipodes. Le repas préféré de l’un donne systématiquement envie de vomir à l’autre. Si les œufs en forme d’omelette sont très vendeurs avec #1, ils sont uniquement acceptés sous forme d’œufs brouillés pour #2 et #3 ne les aime juste pas pantoute. Le classique se répète avec les pommes, les oranges, le steak pis les pâtes. C’est impossible de contenter tout le monde. Et même si, du haut de tes grands principes, t’obliges tout le monde à manger la même chose, reste que tu croules sous un pluie de contestations, de ah-non, de pas-encore-ça et de yark puisqu’il est fondamentalement impossible d’obtenir l’unanimité.
#3 Le cycle du premier réveillé
Les enfants uniques aussi, ils se lèvent tôt le matin. Sauf que si par miracle ils décident de faire la grasse matinée, il n’y a personne pour les réveiller, se lever avant eux et ultimement, te réveiller, toi, la pauvre mère qui aurait ben dormi jusqu’à l’aube. La vraie aube. T’sais disons cinq heures et demi. Ta belle grande famille est victime de l’effet d’entraînement de l’un sur l’autre et de l’incapacité absolue de ta progéniture à se lever sans réveiller personne. Bref, il y en aura toujours un pour se lever à une heure pas d’allure. Ça fait que fait ton deuil des grasses matinées jusqu’à six heures et quart.
#4 La propagation des microbes
Chez vous, un épisode de gastro tout droit sorti de la garderie, ça dure pas trois jours. Non. Ça dure deux semaines pendant lesquelles le microbe se fait aller et contamine toute la gang tour à tour tout en faisant le party avec les poux que le plus vieux a ramené de l’école. Poux qui risquent de te lâcher d’ici un mois et demi après avoir également swigné sur la tête de tout le monde en t’infligeant l’impression inévitable que le cuir chevelu te démange à la journée longue. À la saison des rhumes, tu ne t’en sors pas mieux. C’est comme une course à relais de microbe.
La mauvaise humeur de l’un suit la bonne humeur de l’autre
#5 La mauvaise humeur de l’un suit la bonne humeur de l’autre
T’sais qu’un enfant en âge de découvrir les joies de l’affirmation de soi, ça t’en fait voir de toutes les couleurs. Pour une raison obscure, quand t’en as trois, il existe un consensus silencieux qui les oblige à se relayer dans leur mauvaise humeur, leurs crises et leurs séances de boudage respective question de te pourrir la vie sur la plus longue période de temps possible plutôt que de se donner une go et de régler ça en gang en cinq minutes. Ça fait que quand l’humeur d’un revient, l’autre s’en va systématiquement et t’es en gestion de crise/larmes/pas-content permanente.
#6 La confrontation fraternelle perpétuelle
Tu pensais sincèrement faire la bonne affaire en offrant des compagnons de jeux et de vie à ton cadet quand t’as mis bas pour la deuxième et la troisième fois. Tu te disais qu’il ne serait plus jamais seul et tu aurais difficilement pu voir plus juste. Parce que beau temps mauvais temps, tes trois marmots ne se lâchent plus. Même au sommet de la colère et de l’énervitude quand ils ne peuvent plus se sentir, ils restent ensemble et se pognent en boucle à l’infini. T’as beau les séparer, ils se retrouvent dans le temps de le dire pour reprendre leur débat sur les performances du ninja rouge, leur compétition pour déterminer celui qui saute le plus loin pis leurs engueulade pour décider s’ils vont écouter la Pat’ Patrouille ou les Pokemons. C’est une fatalité.
Mais t’sais, lâche pas. Toute ça sera derrière toi dans plus ou moins dix ans quand tout le monde lèvera les pattes pis que tu te retrouveras toute seule avec le silence pis les oreilles qui te silent encore.
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