J’ai mis du temps à rassembler mes idées, à assimiler. J’ai mis du temps à comprendre que tu pouvais en mourir. À réaliser que tu devenais une statistique et que ce que je fuyais en vivant dans le déni, c’était ma rage.
Mais ce soir, j’accepte d’être triste, d’être en colère. De mettre un genou par terre et de maudire la maladie, d’exorciser ton foutu cancer. Parce que c’est bien son nom, parce qu’il existe même si je refuse de le voir.
Ce soir je pleure fort, mais en silence. Loin de ton regard, bien sûr, parce que c’est pour toi que c’est le plus dur. Je me donne le droit d’être atterrée par les mauvaises nouvelles qui ne cessent de se multiplier, mais je le fais sans faire de bruit parce que c’est mon rôle de te cacher ma peine. Parce que ce n’est pas ce que tu as besoin de voir chez moi. Parce qu’il me faut être forte. Parce que je te le dois.
Je me tiens debout coûte que coûte même si ma salive est salée par toutes ces larmes refoulées. Je me fous de ce que ça goûte, ce soir je craque et je rassemble toute ma force pour crier.
Je suis fissurée comme une statuette de verre d’être témoin d’autant de misère. Accablée par la culpabilité de ne pas pouvoir passer assez de temps à tes côtés. Ce soir, je me laisse craquer. J’aurai tous les autres jours pour me réparer, mais sache que tu resteras ma priorité.
Ce soir, je vais craquer pour mieux me relever et demain, je serai à nouveau à tes côtés pour te supporter, t’écouter et te donner la force nécessaire pour continuer. Je vais te porter sur mon dos les jours où ton corps et ton cœur seront trop lourd pour avancer. Je vais te montrer combien la vie est belle et à quel point ton être est majestueux. Je vais te prouver que le lien qui nous unit est immortel et à quel point il est grandiose lorsqu’il déploie ses ailes. Je vais implorer tous les dieux et tenir ta main jusqu’à la guérison. Je vais dire au monde entier que tous les guerriers portent ton nom.
Mon fils William, 17 ans, est en rémission depuis 17 mois. Il avait presque 15 ans au diagnostic d’un cancer de stade 4. Tumeur au cerveau et métastases dispersées. On a pratiquement vécu à Sainte Justine. Comme beaucoup d’autres…
Vous lire, c’était comme mes mots à moi qui jaillissent de ma mémoire de maman sur le pilote automatique depuis le début du combat. J’étais une maman-louve-guerrière-soldat full focus,-humoriste/poche 9x sur 10. Mais LA FOIS où il riait valait les 9 autres humiliations!
Et tout ça, je l’avais un peu oublié.
Bref,
Merci du fond du coeur pour ce témoignage ?? Il ravive des souvenirs qui me rappellent combien fort on s’est battu…
Oh, et j’adooore votre plume!