Mon enfant,
À ta naissance, alors que tu avais à peine pris ton premier souffle, ta première photo avait déjà reçu cent soixante-huit likes et soixante-treize commentaires qui validaient ton importance à mes yeux.
À notre sortie de l’hôpital, mon besoin s’est mis à grandir à chaque nouvelle photo, comptant jour après jour les réactions et ce que les gens disaient sur toi sur les réseaux sociaux après mes publications. Rapidement, plus aucun moment n’est devenu vrai s’il n’était pas affiché sur internet.
La vérité, c’est que tu grandis dans une ère nouvelle. Tu es encore trop petit pour que ça t’affecte quoique tu nous remarques déjà, nous, les adultes, toujours le téléphone à la main, sinon pas bien loin de nos yeux.
Il m’a fallu bien longtemps pour comprendre que si le moment était sur Internet, c’est finalement qu’il n’était pas si vrai dans notre vie. Trop préoccupé à prendre la photo et la mettre sur le web pour être pleinement dans le moment présent avec toi. Trop concentré à prendre la photo parfaite pour obtenir le plus d’engagements possible. Tellement de nos moments ont été interrompus, les yeux sur l’écran.
À présent, je réalise que je peux te faire ce cadeau de vivre sans les réseaux sociaux. J’ai effacé tes photos du web. Tu n’auras pas toute ta vie d’écrite, photos à l’appui, accessible à la planète entière. Tes moments privés, tes erreurs, tes réussites aussi font partie des histoires que seuls les gens que tu auras choisis connaîtront. Que ce soit ta tenue de la rentrée ou le costume d’Halloween dont tu ne seras plus trop fier une fois adolescent, je te laisse écrire le récit de ta vie et le raconter à qui tu choisiras dans tes termes à toi.
Et tu sais, ce qui est aussi merveilleux, c’est de ne plus avoir les yeux rivés sur mon téléphone, mais bien rivés sur toi.
Merci pour ce texte tellement vrai.
Je partage à 100%! Préservons les au maximum de cette été du numérique et de toutes ses dérives…
Wow! Ce sont exactement les mots pour décrire ce que je ressens face à tout cela. Merci tellement!
Ton texte me touche et me fais me remettre en question, en même temps j’ai créer un compte « famille » ou les gens qu’on aime et qui sont loin peuvent nous suivre (mes parents sont a 5h de chez moi et mes beaux-parents 2h) je veux leur permettre de pas manquer de moment. Ce groupe la est privé et je le considère comme un livre de leur évolution….
Je comprend ton texte, souvent je suis a prendre des photos au lieu de profiter, et je suis jamais sur les.photos et ça me rend triste pas parce que je veux « faire ma show off avec des belles photos » mais bien parce que pour moi ça montre notre famille, ça garde des souvenirs… Je vais retenir de ton texte de prendre le temps de doser tout ça 🙂 merci
Limpide de vérité, ce texte! Cela demande du courage de prendre conscience qu’on s’approprie l’image d’autrui à ses dépens. Le paraître et la combustion aux likes sont deux maux pervers de notre société. Et c’est alors qu’on perd, comme vous l’écrivez si bien, toute réelle connexion au moment présent.