Cher ex,
Aujourd’hui, on va se dire les vraies affaires : moi aussi, j’ai besoin d’un break. Moi aussi, je trouve ça long, vingt-quatre heures sur vingt-quatre avec nos enfants, pendant plusieurs semaines. Moi aussi, j’aimerais ça pouvoir me concentrer à 100% sur mon travail pis mon couple entre 8h00 et 17h00.
Mais c’est pas ça, la réalité.
La réalité, c’est que j’ai peur. J’ai peur d’envoyer nos enfants à l’école dès la réouverture, je te l’ai déjà dit. Tout le monde a parfaitement le droit à son avis sur la question, mais moi, je ne pense pas que ça soit la meilleure des idées. Je ne veux pas sacrifier ni mes enfants, ni ma famille au nom de la vie qui doit reprendre, de la relance de l’économie et d’une potentielle immunité collective. Parce que selon moi, c’est un risque non calculé, c’est un plongeon dans le vide, sans harnais ni filet de sécurité.
La réalité, c’est que nous sommes séparés et que nous avons le luxe d’avoir le choix. Nos employeurs nous permettent de travailler de la maison, alors pourquoi ne pas en profiter? Pourquoi ne pas voir notre semaine de changement de garde comme une pause de responsabilités familiales, mais aussi de regain de travail? Pourquoi ne pas tenter de voir notre garde partagée comme un avantage, au lieu d’un boulet, en ce temps de pandémie?
La réalité, c’est que les écoles post-confinement ressembleront à des cellules de prison, sans possibilité de libération conditionnelle. On nous propose, pandémie oblige, une école qui ressemble à un pain sec avec-pas-de-beurre, dépourvu de toute couleur, de toute saveur, de tout bonheur. Si nos enfants ont hâte d’y retourner, c’est qu’ils ne savent pas, c’est qu’ils n’ont pas compris, que le nouveau régime aura un goût très amer.
La réalité, c’est que les écoles n’ont pas encore eu le temps de bien se préparer, de nous prouver que les mesures sanitaires mises en place seront bien respectées et qu’elle seront, permets-moi d’en douter, réalisables par des bambins.
La réalité, c’en est une avec laquelle on doit réapprendre à vivre. Une réalité qui comprend un joueur qu’on ne voulait pas nécessairement dans notre ligue. Il a les lettres COVID sur son chandail, number 19, pis il score pas mal fort. Sa réputation le précède, et elle est tout sauf positive.
La réalité, c’est qu’on a un méchant ennemi à contrôler, un virus vicieux qu’on ne connaît pas très bien encore, dont on ne connaît pas encore les répercussions à moyen et long terme, un virus qui détruit pas mal de choses sur son passage.
Il a détruit notre bien-être, notre confort, nos habitudes, notre routine.
Aimerais-tu qu’il détruise notre famille aussi?
La réalité, c’est que nous sommes séparés et que nous avons le choix. Le choix de discuter, de s’écouter, de peser le pour et le contre, de laisser le temps faire son oeuvre, de nous prouver que nos enfants pourront, un jour, regagner un semblant de la liberté qu’ils avaient, tout comme nous, prise pour acquise.
Pour l’instant, j’aimerais qu’on attende, s’il te plaît. J’ai trop peur.
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