sad little girl at home

Aux enfants du drame de Mascouche

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En réaction au meurtre d’une mère de famille à Mascouche laissant dans le deuil ses six enfants.

Quand ton père tue ta mère.

C’est rough.

Comme préambule, pis comme réalité.

Beaucoup de petits humains vivent ou auront à vivre ce drame. Ce deuil si lourd à porter pour de si frêles épaules, que celui de perdre sa maman. Je le sais bien, je l’ai vécu.

Mon père a tué ma mère alors que j’avais tout juste l’âge de ma plus jeune. Je me rappellerai toujours les circonstances dans lesquelles je l’ai appris. J’étais en classe, mon nom a résonné dans l’intercom. Je devais me rendre au bureau de la direction, moi, petite fille dynamique et sans histoire. Quand je suis entrée dans le bureau, j’y ai vu des mines basses, des yeux fuyants. Venant d’un milieu atypique, je savais déjà. Je ne voyais plus clair devant moi.

Oui, les larmes noyaient mes yeux, mais je ne voyais plus ce que ma vie voulait dire à cet instant précis. Mon père. Ma mère. Ceux qui m’avaient désirée, ceux qui devaient m’aimer et être présents pour moi à tout jamais. Ils n’étaient plus. Un physiquement, l’autre mentalement. De tous ceux qui ont croisé ma route par la suite, personne n’a pu apaiser ma souffrance. Personne n’a su quoi me dire ou comment me le dire. Je ne leur en veux pas, ce n’était pas habituel comme perte à cette époque.

Pourtant, il me semble bien qu’avec le temps la violence conjugale est devenue présente partout. Trop présente.

Et le 16 janvier dernier, j’ai eu mal à nouveau.

Aux enfants du drame de Mascouche, aujourd’hui, j’ai envie de vous raconter une histoire. Envie de vous partager mon voyage, celui que j’ai fait à huit ans, lorsque tout comme vous, mon père m’a enlevé ma mère sans trop que je ne comprenne pourquoi.

Il était une fois, la vie d’une magnifique famille, remplie d’amour et de tendresse. Cette famille était tissée serrée; des parents aimants, dévoués. Des enfants avec le cœur bourré de douceur et d’affection. Une belle famille comme les autres. Ils naviguaient tranquillement sur la mer de la vie, avec quelques moments de houle, mais rien d’alarmant t’sais. Ces petites vagues quotidiennes font partie du trajet, c’est le contraire qui serait surprenant. Quand les vagues s’intensifient, le Capitaine sait quoi faire. Quoi dire aussi. L’attirail parental doit mettre la main à la pâte, parce qu’autrement, le bateau peut sombrer. Pour tous ces petits matelots qui comptent sur eux, il faut se battre et se relever des tempêtes.

Des fois, c’est plutôt simple. On redresse le mât, on vide la cale ou on rend plus étanche les parois de la coque. Cela nécessite du travail, du temps et de la persévérance. Au final, rien n’est parfait, mais le vaisseau peut poursuivre sa route sans trop de dommages collatéraux. D’autres fois, c’est plus compliqué. Le Capitaine n’a plus envie de naviguer. Il voit les fissures, les faiblesses de son embarcation, mais il ne ressent plus la force de la réparer. Tout est noir, dedans comme dehors. Il a mal, mais personne ne peut l’aider. À qui un Capitaine peut-il s’ouvrir sur ses déficiences? Qui pourrait comprendre ses choix, ses actions? Sa décision de prendre le mauvais chemin, celui qui inévitablement mènera au naufrage de cette douce croisière. Il est trop tard. Un Capitaine, c’est fier. Souvent, l’orgueil ne permet pas à ces gens de se repentir. D’avouer l’inavouable. Dans ces moments-là, la seule solution qui s’offre à eux, c’est de couler avec le navire et tous ceux qui se trouvent dessus. Je sais, ce n’est pas la fin souhaitée. Ce n’est pas logique de punir notre entourage pour des malheurs qui ne leur appartiennent pas. Pourtant, c’est ce qui lui semble juste à faire durant la tourmente.

Il arrive que le Capitaine survive à cela. Pas son second. Même quelques petits matelots peuvent y laisser leur peau. Ou leur âme. Ou les deux.

Peu importe la finalité, la traversée n’est jamais réellement terminée. Les petites barques des rescapés dérivent au loin. Loin de tous. Loin du monde tel qu’ils l’ont connu. Elles se dirigent vers une île. Celle du désarroi et de l’incompréhension. Personne n’a accès à cet endroit, hormis ceux et celles qui ont dû y accoster. Certains ont su se hisser à nouveau sur les eaux pour reconstruire leur cœur. Certains y sont restés. Par peur. Par tristesse. Par doute, le doute de ne plus jamais réussir à voguer comme avant. On ne se remet jamais complètement de cette épreuve. Par contre, d’une naufragée à un autre, je peux vous faire une promesse.

Je vous promets que le temps fait bien les choses. Je vous promets que ce qui semble insurmontable présentement le deviendra demain. Que votre amour marin reviendra peu à peu, une goutte à la fois s’il le faut. Tendez la main, ouvrez grand vos petites voiles abîmées et je vous promets que tout peut bien aller.

Sylvia Tessier

Crédit : asphotographic/Shutterstock.com

Sylvia Tessier

Maman de deux tornades, je nous appelle affectueusement Les Demeurés (Les Murray...) parce qu'on l'est très certainement d'une part et parce que les jeux de mots sont la vie. Auteure de coeur et superviseure d'un centre commercial, je possède des études en droit (criminologie & comme parjuriste). Non, y'a pas de lien entre ces domaines, j'suis un peu éparpillée dans la vie. Hyperactive, grande sensible, je vulgarise la maladie mentale au quotidien étant moi-même bipolaire, TPL avec un paquet d'autres bébittes similaires que je traite très bien - ne vous en faites pas - par l'humour entres autres. Concilier travail-famille-social-amour-name it, c'est hard, mais j'y arrive avec la douce folie qui m'habite.

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