Alyssa.
C’est le prénom que j’aurais choisi pour toi. Je le trouve féminin et doux à prononcer. Malheureusement, mes lèvres ne le prononceront jamais. Je suis une femme et je suis atteinte d’endométriose.
Je suis là, étendue dans l’unité mère-enfant de l’hôpital où j’ai été admise pour me faire opérer. C’est le jour J. Je suis terrifiée et je me demande si j’aurais été une bonne maman pour toi. Si j’étais la bonne maman, celle que tu aurais choisie pour faire ton nid si je n’avais pas été atteinte de cette maladie insidieuse.
Souvent, dans mes rêveries, j’ai placé mes mains en forme de cœur sur mon ventre. Comme les photos qu’on retrouve partout, pour se préparer à la venue d’un nouveau-né. Je les trouve jolies, ces photos. Elles sont remplies de tendresse. Cette même tendresse que j’aurais pu te donner si la maladie ne m’avait pas volé ma capacité à te faire grandir en moi.
Je me suis souvent demandé à qui tu ressemblerais. Aurais-tu hérité de mes yeux ou de mon nez? Aurais-tu hérité de la force de caractère de papa et de son sens de la répartie? Aurais-tu eu mon humour et ma résilience? Quelle complicité aurions-nous eu avec le temps? Ça, je ne le saurai jamais.
Combien de milliers de photos j’aurais croquées de ton joli minois à chaque jour pour garder un souvenir intemporel de toi? De ces instants bien précis et précieux qui s’envolent si rapidement. De la proximité que nous aurions pu avoir, toi, le petit humain que j’aurais créé et qui m’aurait tant ressemblé. Des tonnes de photos de tes expressions et de ton rire, celui que j’aurais préféré entre tous.
Quelles histoires aurais-tu préféré que je te raconte dans ton petit lit, pour que tu t’endormes en rêvant à des romans de cape et d’épée, pleines de magie et de princes ensorcelés. Mais il n’y aura pas de petit lit ni de table à langer. La vie en a voulu autrement.
J’aurais tant aimé parsemer ta vie de magie, voir les étincelles dans tes yeux en se créant des traditions familiales pour Noël, ton anniversaire, la fée des dents. J’aurais fait tout ça pour que tu en gardes un souvenir impérissable et que tu puisses transmettre cette magie à ton tour, une fois devenue maman.
Étendue dans l’unité mère-enfant, tu n’es pourtant pas dans mes bras. Tu ne le seras jamais non plus. Mon corps n’a pas eu la force de porter la vie. La tienne. Celle que j’aurais ardemment souhaité te donner.
Je suis atteinte d’une maladie qui ne m’aurait jamais permis d’être enceinte. J’ai dû prendre la décision d’une vie. Une des plus difficiles du monde. Je suis dans l’unité mère-enfant après l’opération qui m’a pris mon utérus.
Je me suis toujours dit que la vie faisait bien les choses. Que malgré mes craintes d’être mère, tu trouverais un chemin qui te mènerait à moi. Que malgré ma peur de ne pas trouver le bon papa pour toi ou de ne pas savoir quoi faire pendant les moments difficiles, ce jour viendrait.
Ce moment n’arrivera jamais.
Alyssa, aujourd’hui, je te promets de prendre soin de la petite fille qui est en moi. Pour moi, mais aussi pour toi. À défaut de t’avoir physiquement dans mes bras, je vais continuer à t’imaginer et de ton côté, tu trouveras quelque part la meilleure famille qui soit.
À toutes les femmes souffrant d’endométriose. À toutes les femmes en qui la vie ne pourra se nicher au creux de leur ventre, sachez que la lumière est toujours là. Que la maladie n’est pas la fin même si ça semble l’être plus souvent qu’autrement. Profitez de la douceur que votre entourage peut vous donner. Soyez douces avec vous-mêmes et tentez, même si vous n’en avez pas envie, de vous relever et de savourer le bonheur que vous méritez.
Ce texte a été écrit en majeure partie par une des personnes les plus fortes que je connaisse.
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