Cher mon chum,
Avant que tu ne fasses partie de nos vies, ma famille était plutôt du style décomposé. Il y avait moi, la maman presque superwoman, mon beau grand garçon, ma jolie petite pitchounette et Peanut le chat. Il y a eu aussi tout un tas de poissons mais ils n’ont pas survécu au chat. Je ne quittais mes petits que deux nuits aux deux semaines, le classique. Le reste du temps – donc la plupart du temps – j’élevais seule ma marmaille en ayant un emploi pas stable du tout et un budget tout aussi chambranlant. Mais je ne me plains pas, au contraire. Je vivais dans une bulle d’amour avec mes enfants et je réussissais à faire des miracles malgré tout. Ce n’était pas de tout repos mais je ne regrettais pas mon choix d’être seule. J’étais heureuse.
Puis un jour tu as fait ton entrée parmi nous. La première fois que j’ai croisé tes yeux-rieurs-même-quand-tu-ne-ris-pas, j’ai su qu’il se passait quelque chose. C’est comme si je te connaissais depuis toujours. T’sais, le genre de sentiment d’adolescente qui a l’impression de rencontrer l’homme de sa vie ? Ben c’est exactement ça que j’ai ressenti. Mais en bonne femme divorcée que j’étais, il a quand même fallu que je me parle un peu. Que je tente de me raisonner. Que je me dise que voyons, ça se peut pas ces affaires-là quand tu es dans la trentaine avec deux petits. Heureusement, mon cœur a pris le dessus sur ma tête et j’ai foncé vers toi. Plusieurs auraient pu croire que j’en serais ressortie blessée, encore une fois. Mais non. Mon cœur avait tellement raison. Ça se peut l’amour après l’échec. Pis ça se peut fort en plus.
Le grand test fut ta rencontre avec mes deux petits. Leur opinion valait énormément à mes yeux. Ces deux-là, ils étaient toute ma vie. Ils t’ont aimé tout de suite. Tu les as aimés instantanément. Pis moi, je vous aimais comme une folle tous les trois. Ma famille venait de se recomposer. C’était un bonheur immense, ça me remplissait. Mais j’avoue que ça m’a donné le vertige un peu par moments. J’avais la frousse qu’étant donné que j’étais une amoureuse qui venait en paquet de trois, tu te lasses. C’est un gros engagement, la job de beau-papa. D’un coup que tu trouvais ça trop prenant? Mais je t’ai fait confiance. Je nous ai fait confiance.
Sur notre belle lancée, nous avons emménagé dans notre nouveau chez-nous. Pas de temps à perdre. De toute façon, je le savais que c’était toi, le mien. Probablement qu’on s’est fait traité de fous par en arrière. Pis après? C’était notre maison, notre famille reconstituée. Mais bon, l’adaptation des petits ne s’est pas faite sans remous. Le changement de quartier, d’école. Je me suis remise en question. Qui étais-je pour bouleverser leur stabilité si chèrement acquise comme ça? Pourquoi avais-je brisé notre cocon tout chaud ? Les premiers mois furent difficiles, mais tu es resté. Encore mieux, tu t’es ancré. De plus en plus, j’y croyais, au principe de refaire sa vie. Grâce à toi.
Je dois cependant être honnête avec toi. Des fois, je m’ennuyais du temps où je vivais presqu’en vase clos avec mes deux minis. Des fois, partager la discipline des mes enfants avec quelqu’un d’autre – toi – ça m’a fait suer. Il y a des soirs où moi, j’aurais plié. Des soirs où oui, je n’aurais pas été cohérente dans l’application des conséquences pour acheter la paix. Mais je ne peux pas te demander de les aimer, de partager un toit avec eux mais de ne pas participer à leur éducation. Je suis lucide quand même. Il a fallu que je travaille sur moi. Souvent. Encore. Des fois, tu m’enrages. D’autres fois je me dis qu’une chance que tu es là pour me remettre les yeux en face des trous.
Un beau matin, on s’est tellement aimé qu’un mignon petit poupon s’est ajouté au groupe. Notre famille recomposée est passée à un autre niveau. Tu es devenu papa. Mes enfants sont devenus demi-frère, demi-sœur. La gestion de l’amour est devenue ardue, un réel acte de rivalité. C’est là que toi pis moi on a vraiment compris le sens du mot ajustement. Parce que notre vie n’aura été qu’une série d’ajustements sans fin apparente des mois durant. Encore là, je me suis demandée dans quelle galère je m’étais embarquée. Mais sais-tu quoi? On est encore là. Même si des fois tu me tapes sur les nerfs parce que j’ai l’impression que tu es meilleur que moi. Plus fort, plus stable, plus calme.
Pis après j’y réfléchis pis je me dis que c’est ça, une famille recomposée. S’appuyer sur les forces de l’autre pour mieux bâtir. J’étais juste tellement habituée de construire toute seule.
Merci mon chum. Je nous aime tellement, toi, moi pis notre belle famille reconstituée. Vous me permettez de croire que tout est encore possible.
AUDREY ROY |
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