Un jour, tu seras grand et tu quitteras la maison.
J’irai visiter une tonne d’appartements avec toi et je trouverai quelque chose à redire suivant chaque visite parce qu’à mes yeux, aucun d’entre eux ne sera assez bien pour le grand garçon que tu seras devenu. Mais j’abdiquerai tôt ou tard et et j’apposerai ma signature à côté de la tienne sur ce bail que tu ne pourras pas signer seul, faute d’un compte en banque bien garni et d’un emploi stable.
Un jour, tu seras grand et tu quitteras la maison.
Nous ferons ta petite valise ensemble. Celle que j’ai fait maintes et maintes fois. Lorsque nous partions en voyage en famille. Lorsque tu allais passer quelques jours chez Mamie. Lorsque tu allais dormir chez un ami. Et je constaterai qu’elle ne peut contenir tous tes effets parce que lorsqu’on part pour de bon, on ne voyage pas léger. Tu apporteras avec toi vingt années de nos plus beaux souvenirs et je glisserai cette partie de mon cœur qui t’a toujours suivi quelque part entre le doudou avec lequel je sais que tu dors encore secrètement et ta console de jeux vidéo.
Un jour, tu seras grand et tu quitteras la maison.
Et lorsque je fermerai la porte derrière moi après t’avoir embrassé et souhaité la bienvenue dans ton nouveau chez-toi, la vie me paraîtra bien irréelle. Après vingt ans passés à tes côtés à chaque jour, après vingt ans à t’avoir dit bonjour chaque matin et bonne nuit chaque soir, après des milliers de soupers partagés et des millions de baisers et de sourires donnés, les quinze minutes de route qui nous sépareront me sembleront interminables, trop loin de nous, du petit bébé que tu étais, de l’enfant que j’ai regardé grandir et de l’adolescent que tu es devenu et qui a pris son envol.
Un jour, tu seras grand et tu quitteras la maison.
Et mon cœur se serrera au point de m’étrangler lorsque je pénétrerai dans ta chambre vide et silencieuse. Celle où ne trôneront plus que quelques vieilleries qui ont marqué ton enfance. Le vieil ourson dont tu ne te séparais jamais jusqu’à ton entrée à la garderie. Le livre d’histoires que je te lisais chaque soir sans jamais que tu t’en lasses jusqu’à ce que tu commences ta première année et que tu saches le lire sans moi. Le chandail de laine rouge que grand-maman t’a offert pour ta fête de huit ans et que tu as toujours détesté parce qu’il piquait trop. Les Legos que nous avons construits ensemble pendant des heures et des jours et avec lesquels tu t’es amusé à l’infini jusqu’à ce que tu nous annonces, du haut de tes treize ans, que c’était devenu bébé sans toutefois jamais accepter de t’en départir.
Un jour, tu seras grand et tu quitteras la maison.
Et j’aurai peur. Peur de tout ce que tu devras affronter loin de moi. Peur que tu aies faim maintenant que je ne remplirai plus ton assiette. Peur que tu te couches trop tard, maintenant que je ne pourrai plus cogner à ta porte pour te rappeler qu’il est déjà passé minuit. Peur que tu peines à joindre les deux bouts, parce que je suis aussi passée par la vie d’étudiant en appartement et je sais à quel point, même en travaillant de façon acharnée, les temps peuvent être durs. Peur que tu sois déçu. Peur que tu te blesses. Peur que tu aies mal. Peur que ta vie parte en vrille sans que j’en sois témoin. Peur que tu aies besoin de moi et que tu n’oses pas m’appeler sous prétexte que tu es grand et que tu dois te débrouiller seul.
Un jour, tu seras grand et tu quitteras la maison.
Et je serai d’abord anéantie. Puis je réaliserai que tu es toujours là, plus vivant que jamais, volant de tes propres ailes et je choisirai de faire confiance à la vie mais aussi et surtout de te faire confiance.
Parce que tu es le plus bel humain que j’aie rencontré et que malgré les erreurs et les épreuves, tu sauras écouter ton cœur. Ce petit cœur que j’ai vu grandir et qui ne se trompe jamais.
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