J’aime mon chum d’amour. Mais même si c’est clairement un gars de bonne humeur bourré de qualités, ses travers me font souvent grincer des dents. L’affaire c’est que, petit, sa mère le traitait comme le prince de Galles; il n’y avait jamais rien de trop beau ni de trop grand pour son p’tit dernier et sans même s’en rendre compte, elle en a fait un grand gars difficile à qui il manque une couple de points d’autonomie.
Quand il était jeune, la mère de mon chum cuisinait des repas différents pour sa sœur et lui parce qu’ils n’aimaient pas les mêmes affaires. Elle ne l’a jamais forcé à goûter pour ne pas l’écoeurer. Elle ne l’a jamais obligé à finir son assiette pour avoir du dessert. Elle lui a servi des pâtes au beurre plus souvent qu’à son tour parce que ça faisait partie des trois seules affaires qu’il acceptait de manger.
Aujourd’hui, mon chum ne mange rien et tout ce qu’il mange, il le mange sec, sans une once de sauce. Il n’aime pas les légumes, il déjeune avec un verre de lait pis un paquet de petits gâteaux au caramel, le cheddar mi-fort l’horripile autant que le fromage bleu et la vue d’un tartare de saumon lui fait le même effet que celui d’une vache avec les boyaux à l’air.
Quand il était jeune, la mère de mon chum faisait son lit pour lui. Il n’en avait franchement rien à faire et elle jugeait que c’était son propre caprice, ce besoin personnel d’entrevoir un lit dans lequel il n’y avait pas l’air d’avoir eu un cataclysme naturel par la porte entrebâillée de sa chambre.
Aujourd’hui, quand je demande à mon chum de bien vouloir faire le lit pour la cinquième fois, il me répond que ce n’est pas vital, que c’est mon caprice et que je n’ai qu’à le faire moi-même si j’y tiens. Idem pour le lavage de la salle de bain qui, selon lui, pourrait être fait aux trois semaines. Idem pour le gazon à tondre même si la cour ressemble à une forêt amazonienne.
Quand il était jeune, la mère de mon chum ramassait derrière lui. Aucun déchet ne trouvait le chemin de la poubelle et les assiettes sales se perdaient toujours quelque part entre la table basse du salon et le lave-vaisselle. Les Kleenex morveux se multipliaient sur la table de nuit et dans les craques du divan et chacun de ses passages dans la salle de bain laissait présumer qu’un raz-de-marée était passé par là.
Aujourd’hui, je ramasse à perpétuité. Tout ce qui passe dans les mains de mon homme quitte sa place d’origine et ne la retrouve plus jamais. Les corps morts sèchent, pourrissent ou se répandent là où ils ont été préalablement abandonnés. Le linge sale se retrouve toujours en boule par terre à mi-chemin entre son bord de lit et le panier de lavage et sa table de nuit croule sous une trâlée de gugusses non identifiables en tout genre.
Quand il a quitté la maison pour voler de ses propres ailes, la mère de mon chum a continué de faire son lavage. Pendant des années, il est débarqué chez ses parents avec sa poche de linge sale tous les dimanches midis et il est reparti de là, blanchi.
Aujourd’hui, il n’a pas la moindre idée de l’endroit où se trouve le piton « start » sur la laveuse, il ignore fort probablement qu’on doit séparer le pâle du foncé et je parie dix piastres qu’il ne sait pas non plus où on met ça, le savon à linge.
Avant qu’on emménage ensemble tous les deux, la mère de mon chum gérait ses impôts. Il remettait systématiquement à sa mère tous les papiers qu’il recevait pendant l’année sans même ouvrir les enveloppes.
Aujourd’hui, ne lui demandez pas ce qu’est un avis de cotisation; il n’en a pas la moindre idée. Et puisqu’il fourre tous les papiers qu’il reçoit aux quatre coins de la maison (et parfois même dans la poubelle), le premier mars est devenue la journée officielle de la chasse au T4.
Il faut se dire les vraies affaires : la mère de mon chum n’a jamais eu de mauvaises intentions. Tout ce qu’elle voulait, elle, c’était de voir son gars heureux comme toutes les mères. Sauf qu’à trop vouloir l’épargner, aujourd’hui, elle en a fait un grand jack qui n’épargne personne, faute de savoir faire autrement.
En tant que mère de famille, on se plaint souvent de devoir s’occuper de toute, tout le temps pis malgré le temps qui passe pis les époques révolues qu’on traverse, y’en a une barge qui continue de dire que les pères font pas grand-chose. Dans ben des cas, c’est vrai, c’est triste, faut faire quelque chose.
Pis ça se pourrait ben que ça passe ENTRE AUTRES par l’éducation de nos hommes de demain.
Je dis ça de même.
Je pense que tout n’est pas la faute de la mère de ton chum. Toi aussi tu joues à la mère avec lui. S’il ne sait pas comment partir un lavage, c’est parce que tu fais son lavage? On dirait que tu ne l’aimes pas beaucoup ton chum. Pourquoi rester avec?