Maman,
Je t’en veux.
De partir ainsi, avec si peu de préavis, pour un acte que tu as commis.
D’avoir fait ce choix qui aujourd’hui a de lourdes conséquences pour moi. Même si ton geste n’a pas été de tuer, de violenter ou de voler, la justice t’a condamnée et moi j’en paie le prix.
J’aurais voulu, il y a quelques années, que tu te sois demandé si ton choix d’alors aurait des répercussions et si cet argent si rapidement gagné valait que tu me sacrifies.
Ce matin, tu pars pour de longs mois, et maladroitement, il y a seulement quelques jours, tu me l’as annoncé rapidement. Sans me rassurer sur l’avenir des choses, sans me préparer à vivre cette épreuve, sans me dire que tout irait bien pour moi, mais surtout pour toi.
Et depuis, je ne pense qu’à ça. Je fais des cauchemars, je vis plein d’émotions et je ne sais comment les maîtriser. Encore hier, mon seul souci dans la vie n’était que de m’amuser et de savoir quand j’allais manger.
J’ai peur pour toi, et mon cœur d’enfant ne peut lui-même se raisonner que rien ne t’arrivera là-bas. Et surtout, je ne sais pas quand tu reviendras…
Et moi, je vais vivre avec papa. Celui que je connais peu puisque j’ai toujours vécu avec toi. Je dois alors réapprivoiser un nouveau quartier, me faire de nouveaux amis et chaque matin, ne plus te voir, me réveillant tendrement, au pied de mon lit.
J’ai de la peine d’avoir honte de toi, de devoir garder ce secret si lourd pour moi. De ne pouvoir partager mes émotions et ma peine avec les autres autour de moi, par peur qu’ils se moquent, qu’ils me jugent, qu’ils rient de moi.
J’ai peur que plus tard, par ce que je vois ou que j’ai appris de ça, je choisisse ce chemin moi aussi. Et que je ne puisse briser le cycle de notre famille dysfonctionnelle. Moi avant ça, je la croyais spéciale, un peu chaotique, mais tout de même belle.
Ce matin, j’ai dû vieillir trop vite, et je t’en veux pour ça. Je ne veux être qu’un garçon qui s’amuse, qui chahute un peu, qui se fait sermonner quand c’est nécessaire, pas qui s’inquiète, qui est en colère et pleure silencieusement de ne plus voir sa mère.
Maman, je t’en veux d’aller en prison.
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