Toi, la mère qui a un trouble de santé mentale,
Y’a des jours où tu te sens seule.
Tu es entourée d’enfants, t’as un chum qui t’aime, tu mènes la vie la plus équilibrée possible, mais tu te sens seule au monde.
T’as beau avoir les meilleurs amis du monde, avoir une famille présente, l’univers va toujours s’attendre de toi que tu fonctionnes dans le même sens que tout le monde.
T’as le droit d’être anxieuse, agoraphobe ou maniaco-dépressive. T’as droit d’avoir des troubles d’adaptation ou d’attachement mais, même si ta maladie porte un nom, il va toujours falloir que ce soit toi qui t’adaptes. Les restaurants n’arrêteront pas de faire du dessert parce que tu es diabétique, de la même façon, la société ne changera pas ses standards pour que tu te sentes à ta place.
Toi, il va falloir que tu fasses ta place toute seule. Que t’apprennes à vivre avec le jugement des autres qui n’ont pas les connaissances pour comprendre que tu n’es pas folle. Que tes réactions soient parfois démesurées, que ton jugement semble tranchant et que tes choix paraissent précipités, il va falloir que tu l’assumes parce que, même si scientifiquement parlant, ce sont les liquides de ton cerveau qui sont déséquilibrés, et pas toi dans ton entièreté, y’en a un shit load qui vont mettre ça sur le dos de la folie. Pis t’auras beau essayer de mettre des mots sur tes émotions, ça risque de sortir en chinois pour eux. Y’aura beaucoup trop de mots dans ta phrase pour que ça ait du sens!
Va falloir que t’assumes que le frère de ton chum demande à ce que tu ne sois pas là à Noël parce que tu crées trop de tension. Va falloir que tu pleures seule quand tes amis vont t’annuler une soirée à la dernière minute parce qu’ils ne comprendront pas que ça t’affecte à ce point.
Pis que ça te plaise ou non, un jour ou l’autre, va falloir que tu gardes la tête haute, que tu regardes droit devant, et que tu trouves ton bonheur.
Y’a rien qui va t’arriver tout cru dans le bec. Pour ta carrière, tu vas t’être battue, parce qu’une crise de panique en milieu de travail, ce n’est pas glamour pis ça risque de te nuire. Feindre une labyrinthite est une belle porte de sortie, mais ça te durera pas 35 ans de service!
Toi, va falloir que tu sois deux fois plus compétente que les autres parce que si tu te plantes avec tes angoisses, faut que tu compenses avec ta performance.
Ton rôle de mère ne sera jamais acquis, tu vas toujours tout remettre en question, tu vas peut-être perdre les pédales devant tes enfants, pire encore, tu vas peut-être leur avoir transmis ce foutu gène et tu vas être confrontée à toi-même chaque fois que ça va les atteindre, eux. Pis si tu penses que ça fait mal quand ça t’arrive à toi, attends de voir ton enfant se taper une crise d’angoisse en pleine école secondaire où on va le juger pas mal plus solide que tu penses, parce que tous les enfants n’auront pas été éduqués de façon à reconnaître la différence et à l’accepter.
C’est pour ça qu’il faut que tu en parles, que tu gardes la tête haute et que tu assumes ta maladie. Et oui, c’est une maladie, une maladie du cerveau. Ça existe depuis toujours, ce n’était juste pas dans les livres de médecine.
C’est triste parce que, face aux troubles de santé mentale, la société réagit un peu comme à l’époque où on disait que les épileptiques étaient possédés du diable. Elle va te fuir, trouver des prétextes pour ne pas affronter TA réalité à toi.
Mais, ce qu’une partie de la société ne sait pas, c’est que ton trouble de santé mentale, même s’il semble un ennemi, il peut devenir ton meilleur ami et devenir une force. Il peut t’aider à prendre confiance en toi, à être à l’écoute de ton corps et de tes besoins, à avoir une capacité d’adaptation incroyable et à faire que tu vas aller plus loin, beaucoup plus loin que ce que tu aurais jamais pu imaginer.
Cette maladie silencieuse, qui affecte peut-être ton enfant, va devenir ce qui va faire de lui un adulte complet, fort, résilient. Et elle te fera le même cadeau, à condition que tu l’acceptes. Pour que les autres arrêtent de la juger cette maudite maladie, faut que t’arrêtes de la cacher. Elle n’est pas honteuse ni gênante. Elle est là, pour rester, aussi bien de faire avec.
C’est tout à fait ma fille de 29 ans,elle souffre du trouble limite de personnalité(tpl).le mot souffre n’est pas exagéré.
J’ai 36 ans et je suis TPL aussi, effectivement souffrir n’est pas exagéré. Je crois qu’il faut juste continuer de se battre.
j’ai 54 ans j’ai été diagnostiqué agoraphobe avec troubles d’anxiété généralisé voilà plusieurs années. ma première crisse de panique remonte a mes 18 ans peu avant que j’accouche de mon premier fils. Le plus difficile tout au long de ces années fût le combat pour toujours être comme tout le monde avec au final quand j’ai fini par accepter que ce qui m’affectait n’était pas ce qui me définissait et que j’ai commencé a exprimé qui j’étais je suis devenue une honte pour mes proches . aujourd’hui je ne suis la fille de personne , je ne suis la sœur de personne et je ne suis même plus la mère et la grand-mère de personne . je ne suis que la malade mentale qu’on préfère tenir a distance des fois que mon mal serait contagieux et surtout comme me disait mon fils combien c’étais dérangeant pour lui de toujours prendre ma défense auprès de sa conjointe ou de sa belle-famille . heureusement j’ai un travail que j’adore dans le milieu de la santé , j’ai aussi des amis fantastiques et 2 petites chiennes qui me comblent de bonheur.ma vie aujourd’hui c’est un jour a la fois et je dirais même que je remercie Dieu car mon mal a fait en sorte que je ne m’entoure que des gens de cœur.
France…. Ton commentaire me rejoint tellement! J’ai 52 ans, j’ai essayé de faire de mon mieux…..mais mes 5 enfants m’ont (délité) de leur vie. Mon aîné de 32 ans m’a dit qu’il ne me pardonnera jamais, sans plus d’explications… Ma fille de 27 ans étudie en travail social, a fait des stages en santé mentale mais elle a érigé un mur entre elle et moi….Mes 5 enfants m’opposent un silence qui me plonge dans la plus grande angoisse. Je ne sais pas leurs adresses, pour certains, je ne sais pas leurs numéros de téléphone…. J’ai pourtant beaucoup de souvenirs heureux les concernant… Je fût une mère sévère car mes 3 fils étaient TDAH et les spécialistes m’avaient suggérer de faire un horaire et une discipline digne de l’armée… Je voudrais tant les réunir pour pouvoir expliquer des choses et réécrire notre passé avec la lecture de chacun d’eux et la mienne aussi mais ils refusent. Je me sens comme un monstre qu’ils tentent de fuir…Bref, comme toi, je ne suis plus la fille, soeur, mère de personne. Moi, je n’ai plus envie de me réveiller le matin… je n’ai même pas de travail…. Les murs du condo se referment sur moi…. J’ai mon beau gros chien qui m’adore et un conjoint qui est à bout de me voir souffrir, pleurer et de passer mes nuits éveillées, d’oublier de me laver les cheveux car ça m’épuise…. France, tu es forte et sur la bonne voie, je t’envie un peu mais te souhaite un avenir radieux!
Bonjour Geneviève, je suis française, avec « handicap psychique » (on dit comme ça chez nous) et il n’y a qu’au Québec que je trouve une parole vraiment décomplexée par rapport à la santé mentale. Trop d’amalgames, trop de culpabilisation, trop d’hypocrisie. Mon trouble n’est pas encore devenue ma force (encore du travail à 44 ans), mais le fait de m’être fait reconnaître RQTH (handicap au travail) a été une étape importante pour moi, un vrai coming out, j’ai envie de le crier sur les toits : je suis comme ça et alors ?? Quelque part, c’est aussi une passerelles avec mon petit garçon de 5 ans chez qui je guette tous les signes avants-coureurs : être là pour lui.
En tout, merci Geneviève pour ton témoignage et continue à porter la parole libre des « fous » (fous de vie ?).
Céline
Bonjour Céline,
pour une raison obscure je n’ai pas vu votre message avant! Tout le monde n’est pas encore très ouvert au Québec et je ne connais pas la situation en Europe, par contre ce que je sais, c’est que d’assumer ce qu’on est fait taire bien des langues 🙂 Je suis heureuse que mon texte vous ait touchée 😉
Bonjour Geneviève, merci pour ce texte. Monoparentale de 48 ans, je commence à voir les conséquences du TPL sur mes 3 fils, chez qui je remarque des traits similaires, et ça me bouleverse… Après 10 ans de célibat mi-forcé mi-volontaire, j’ai rencontré quelqu’un de bien, on s’aime et s’accepte avec nos forces et nos faiblesses, mais mes garçons semblent incapables d’accepter, sauf peut-être le plus jeune…
J’ai grandit avec une mère TPL non diagnostiquée. Mon enfance manque énormément de bons souvenirs. Ça peut briser un enfant, surtout si l’aspect narcissique prime. Ma mère souffrait aussi de dépression et d’anxiété. La culpabilité, stress, insécurité, peur, tristesse, solitude, rejet… ce n’est pas ça l’enfance. Je crois que le fait de se faire suivre d’un professionnel et d’aller chercher le maximum de ressource est la meilleure chose à faire lorsqu’on en souffre, surtout lorsqu’on est responsable d’enfants. Ça aurait changé nos vies. Mais sans autocritique, impossible de prendre l’initiative d’aller chercher de l’aide. Pour ma mère, c’était nous et l’univers entier le problème… Pas elle.