Mon cher enfant,
Quand tu étais à la maison, dans tes premières années de vie, tout était parfait. Puis, à la garderie, les choses se sont gâtées pour toi. Un-peu-beaucoup.
Chaque jour était un défi à relever, une mission de tous les instants pour toi. Tant du côté des habiletés sociales que du développement, tu cheminais de peine et de misère. Au fil du temps, je me voyais arriver de reculons en fin de journée, craignant de recevoir le désormais usuel lot de commentaires négatifs à ton sujet de la part de ton éducatrice. Puis, dès la maternelle, les rencontres et plans d’intervention se sont succédé, puis les appels dans différents centres afin de passer de multiples tests afin de déterminer ce que je crains le plus en tant que maman : souffres-tu d’un trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité?
Aujourd’hui, je te l’avoue, ta maman a peur. J’ai absolument-totalement-viscéralement peur de recevoir ce verdict.
J’ai peur de ces quatre lettres : TDAH.
J’ai peur parce que je ne veux pas qu’on te colle d’étiquette. Car je sais très bien que les enseignants se parlent et auront sur leur liste de classe cette cote qui te distingue, qui te place dans une case à part. Malgré le fait que tu ne serais pas seul dans ce groupe sélect, je n’aimerais pas en tant que maman savoir que cette réputation te précède. Que déjà en août, avant même d’avoir appris à te connaître, mon chéri, ta future enseignante se prépare au pire, anticipe déjà tes supposés travers et soit sur ses gardes. J’aimerais plutôt qu’elle apprenne à te connaître, à t’apprivoiser, mon p’tit chat sauvage.
J’ai peur des conséquences de la médication. Parce que même après la surlecture de nombreux articles de recherches pseudo-scientifiques sur le sujet, personne n’est en mesure de me certifier que la médication – si cela est la véritable solution – n’aura pas de conséquences néfastes sur ta frêle santé, à moyen ou à long terme. Je suis de la vieille école qui croit dur comme fer que le sport et les saines habitudes de vie peuvent régler la plupart des problèmes. Je suis peut-être dans le déni… N’empêche que lorsque tu t’y mets, tu réussis si bien, mon bébé.
J’ai peur que ça crée des conflits de plus. Qu’en plus de nos dizaines de séances d’accrocs-obstinations-boudages-crisettes quotidiennes s’ajoute en-plus-par-dessus-le-tas ton refus de te plier à une routine supplémentaire. Car, peu importe la solution qui sera envisagée lorsque le rideau du verdict tombera, tu auras à t’y plier coûte que coûte. Notre routine plus-que-chargée te semble déjà lourde; je n’ose m’imaginer ce que serait ton humeur face à un tel ajout.
Par-dessus tout, j’ai peur que ça veuille dire que j’ai échoué dans mon rôle de mère. Même si cela est sans fondement, je n’arrêterais jamais de me demander si j’aurais pu faire mieux, si j’aurais dû faire plus, si ce n’est pas un peu de ma faute si tu étais catégorisé différent. Ta maman qui travaille si fort chaque jour a besoin d’une tape sur l’épaule, pas de la claque au visage qui accompagne le verdict du TDAH.
Chaque jour qui passe est un défi. Pour toi, pour moi, pour nous. Et chaque matin, je me dis que j’ai un sursis, que tu gagnes en maturité et qu’il y a de l’espoir de ne jamais voir ce verdict juxtaposé à ton nom. Une chose est sûre, mon enfant : peu importe ce que les spécialistes diront, je ne cesserai jamais de croire que tu peux accomplir de grandes choses. Et peu importe ce que ces choses seront, je serai à tes côtés pour t’épauler si tu en as besoin.
Maman a peur, parfois, mais elle ne te le laissera pas voir.
Je t’aime.
Alors finalement comment a évolué le petit chat sauvage ? Il y a eu un verdict ?
J’ai peur aussi…