Je te connais, maman. Tu viens d’accoucher il y a quelques jours, quelques semaines déjà. Nerveuse, tu te rendras à ton rendez-vous postnatal. Tu te seras préparée comme on se prépare à une entrevue. Tu auras revêtu tes plus beaux vêtements, tu cacheras sous une épaisse couche de maquillage tes cernes témoignant de tes nombreuses heures de sommeil perdues et du ravage des trop nombreuses larmes que tu auras versées.
Tu entreras dans le bureau du médecin, hésitante et peut-être même tremblotante. Chargée comme une mule de tes millions de sacs, de jouets, de la coquille d’auto et de ton bébé, tu avanceras avec grâce, prête à tout affronter. Tu t’assieras face à lui, répondant à ses questions machinalement. Car oui, maman, tu auras appris tes réponses par coeur. Tu lui diras exactement combien d’onces ton bébé boit, combien de couches il utilise, combien d’heures il dort à la minute près. Tu sortiras même ton carnet de notes lorsque tu n’auras pas les détails exacts car en bonne maman que tu es, tu auras préalablement tout noté pour ne rien oublier.
Puis la question à laquelle on n’est jamais préparée te sera posée. Toi maman, comment vas-tu?
Et c’est là maman, que tu mentiras. Tu afficheras ton plus beau sourire, celui que tu as pris des heures à composer et à répéter devant le miroir. Celui avec lequel tu as réussi à berner tout le monde. Mais pas moi, maman. Moi, je sais. Je sais que tu diras à ton médecin à quel point ton bébé est la plus belle chose qui te soit arrivée et à quel point tu n’as jamais été aussi heureuse et il te croira comme les autres.
Tu mentiras, parce que tu auras peur, maman. Peur d’avoir l’air folle, peur d’être jugée et peur de te faire dire que tu es une mauvaise mère. Car il y a déjà une assez grande partie de toi qui le croit sans en plus devoir l’entendre de la bouche de quelqu’un d’autre. Alors tu te tairas. Non pas car tu aimes mentir maman, mais parce que la vérité fera trop mal à dire.
Tu sortiras de ton rendez-vous la tête haute et aussitôt la porte de ta voiture refermée, tu pleureras, belle maman. Toutes les larmes de ton corps car je sais moi, que tu as mal, maman. Que tu es dans le noir, que tu as peur et que la maternité peut se transformer en notre pire cauchemar.
Puis un jour, tu regarderas en arrière et tu seras probablement guérie. Peut-être avec de l’aide, si tu as eu le courage d’en chercher ou seule, si tu as de la chance. Tu te rappelleras de ce moment précis, celui qui aurait pu tout changer, celui qui aurait pu sauver les premiers mois de ta maternité. Ce moment, où à ton rendez-vous prénatal, tu as menti à cette personne qui n’était pas là pour te juger, mais pour te venir en aide.
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