À toi, la mère de famille qui prétends que les cadeaux n’ont pas la moindre importance à Noël,
Je t’entends quand tu me dis que la vraie magie des fêtes, c’est de se retrouver en famille autour d’un pâté à la viande et d’un dégât de sanwdwiches pas de croûtes puis d’attaquer la table des desserts comme s’il n’y avait pas de lendemain. Je suis moi-même une fan inconditionnelle des moments en famille et de la bûche Vachon à la vanille.
Je t’entends quand tu me dis que ce qui a marqué les Noëls de ton enfance, toi, ce sont les heures que tu as passées à jouer dans les coats d’hiver de tout le monde avec tes cousins sur le lit de ta grand-mère en jurant que toi aussi, tu allais avoir un manteau en poil comme ta matante Gertrude quand tu allais être grande. Shame on me, moi aussi, je le voulais son manteau et aujourd’hui, quand j’y pense, je trouve que tante Gertrude était peut-être un brin barbare.
Je t’entends quand tu me dis que tu te rappelleras toujours de la ride de char que vous faisiez en famille pour vous rendre au réveillon. Que de te réveiller au beau milieu de la nuit pour aller fêter, du haut de tes six ans, c’était l’apocalypse du bonheur. Moi aussi, je m’en souviens comme si c’était hier.
Je t’entends quand tu me dis qu’aujourd’hui, les enfants croulent sous les bébelles et qu’ils réussissent quand même à mourir d’ennui, preuve que ce ne sont pas les jouets qui font le bonheur. Chez nous aussi, on ne sait plus où ranger tous les guedis des p’tits et ils passent le plus clair de leur temps à nous dire que le temps est long et qu’ils ne savent pas quoi faire.
Je t’entends quand tu me dis qu’aujourd’hui, les parents passent le plus clair de leur temps dans les centres d’achats plutôt qu’en famille en décembre, à la conquête du dernier gugusse de la Pat’Patrouille et de la console dernier cri dont l’édition est ben ben limitée. J’y ai moi-même passé une journée entière la semaine dernière, à sacrer dans mes joues devant les files de monde et le total de mes trop nombreuses factures.
Je t’entends quand tu me dis qu’on ne sait plus quoi se donner à Noël entre adultes parce qu’on possède déjà tout. Qu’on se crée des besoins pour le simple plaisir d’échanger des paquets dont on ne veut pas vraiment, mais qu’on reçoit avec un sourire tantôt sincère, tantôt hypocrite.
Je t’entends quand tu me dis qu’aujourd’hui, on ne répare plus ce qui se casse pour le simple plaisir d’acheter encore. Que tout est fait pour nous péter en pleine face à la fin de la garantie et qu’on n’en fait plus de cas depuis longtemps. Qu’on veut tous la nouvelle bébelle technologique à la mode ou le nouvel électro two thousand eighteen qui ne nous servira jamais plus que celui qu’on possède déjà, quitte à réhypothéquer la maison, et que c’est triste d’offrir cet exemple-là à nos enfants. Et je suis d’accord avec toi.
Mais quand je t’entends me dire que les cadeaux n’ont pas la moindre importance pendant le temps des fêtes et que quand t’étais jeune, ce n’est pas ça qui comptait à tes yeux, je capote un peu.
Parce que dans les faits, dès l’arrivée du catalogue Sears au mois de septembre de tous les automnes de ton enfance, tu t’empressais de faire une liste de soixante-douze suggestions et tu prenais le temps d’admirer la poupée qui tousse et qui fait caca quotidiennement en priant le petit Jésus de te l’offrir même si tu disposais déjà d’un nombre assez considérable de catins. Tu voulais le four qui fait des gâteaux pas mangeables, la première console Nintendo et dans tes rêves les plus fous, tu recevais enfin la Barbie Mariée et le toutou en forme de chien avec des bébés dans la bedaine.
Le soir de Noël, le sapin était enseveli sous une barge de cadeaux et entre deux saucettes dans les coats d’hiver sur le lit de ta grand-mère, tu gossais tes parents à l’infini pour savoir quand vous alliez ouvrir les cadeaux. Quand arrivait finalement le moment de les déballer, tu faisais ça à la grande course sans prendre le temps de t’informer de qui t’avait acheté quoi et outre deux ou trois patentes particulières qui faisaient briller tes yeux, tu passais au suivant sans même sourciller.
Qu’on se comprenne bien; je suis pas en train de te dire que la surconsommation c’est in et que ce n’est pas une maudite bonne idée de faire de nos enfants des consommateurs intelligents capables de comprendre que tout le bonheur du monde ne réside pas dans les bébelles. Ce que je te dis, c’est que ça serait fair de ta part d’admettre qu’à Noël, les cadeaux sont aussi importants pour tes p’tits qu’ils l’étaient pour toi il y a vingt-cinq ans.
Ça fait que cette année, apprends-leur autant que tu veux que la magie des fêtes, c’est de passer du temps ensemble; mais sans les gâter à en plus savoir où mettre leur stock, fais-leur plaisir et achète donc une couple des guedis que tu sais clairement inutiles sur leur maudite liste. Pis malgré les bons conseils de monsieur madame tout le monde, vas-y mollo sur les livres pis le linge; rappelle-toi à quel point tu n’en avais rien à cirer du haut de tes six ans.
Joyeux Noël.
Ce qui était le fun, c’était déballer. Pourtant, je ne me rappelle à peu près aucune bebelle reçue.. Ce que je me souviens par contre, ce sont les jeux de société qu’on faisait toute la nuit, le ballet casse-noisettes, les marches dehors à des heures impossibles alors qu’il y avait quelques flocons juste parfaits pour Noël, etc. Malgré tous mes efforts, je ne me souviens pas des bagosses que j’ai déballé, niet! Alors oui pour déballer, mais non aux cochonneries. Il y a 25 ans, on était beaucoup moins conscients des dégâts de notre surconsommation sur la planète, aujourd’hui, on le sait clairement mais on va s’en ficher parce que nos enfants salivent de bonheur à l’idée de déballer plein de choses plus inutiles les unes que les autres? Non merci, et c’est sans doute cette façon de penser qui nous pousse à surconsommer toujours plus. Pas toujours facile de changer nos habitudes, mais le changement implique un certain effort. Chez nous cette année, ce sera sortie spéciale en famille pour garnir la boîte à souvenirs, et concept 4 cadeaux dans lequel il y a un livre, un vêtement et un truc dont ils ont besoins. Peut-être plate, mais ils vont déballer et au moins, je ferai ma toute petite part pour ne pas trop tomber dans cette grande mascarade. Ton texte permet de te déculpabiliser sans doute, mais espérons que tu ne te crois pas trop… parce qu’en 2017, on n’est plus en 1987, on ne peut plus faire semblant.