Crédit : sifotography / 123RF Stock Photo
Assise sur le bol pour ton cinq minutes de gloire de calme quotidien, tu t’en vas fouiner sur Facebook. Quand tu la vois. La 192e publication de cette «amie» qui partage avec des détails croustillants ses tracas quotidiens.
On s’entend, c’est pas du chialage ordinaire de semaine. Ni un partage friendly de toutes les insatisfactions et anecdotes que tu vis quotidiennement en tant que mère de famille et dont tu fais le partage avec tes amies autour d’un verre de vin. Non madame! C’est du chialage de compétition, celui qui pollue visuellement toute ton fil d’actualité. Tellement que ton écran de cellulaire pue le négativisme à plein nez.
Attache ta tuque, t’as pas fini. C’est rien de moins qu’un appel perpétuel à ses trois cents amis pour signaler à quel point sa vie est horrible. On a affaire à un débordement émotif digne du Titanic et son iceberg de la part d’une chialeuse chronique.
Tu penses que ta maison est malpropre? C’est ben pire chez eux. Son ménage-lavage-époussetage est en retard selon son calendrier Outlook. Sa maison est sale d’la cave au grenier, comprends-tu. Deux bas sales dans le panier de lavage, une paire de bobettes dans la sécheuse. Son plancher est tellement crotté que les enfants du quartier ont organisé un tournoi de curling dans le corridor avec le vieux chou-fleur qui traîne dans le frigidaire depuis deux semaines. La cause? Quinze secondes d’overtime à la job. Et ça, elle te le fait savoir à coup de MAJUSCULES.
Tu penses scorer avec ta gastro? Oublie ça, toute sa famille est malade. Du genre, vraiment malade. Juste pour te dire, ses violettes africaines se sont transformées en sumac vénéneux. Son fils morve vert-crotte-de-nez-pantone-204; une vraie fontaine. Sa fille est à la veille d’offrir une belle alternative aux rennes du Père-Noël. La commandite de Puff s’en vient. Après vingt-cinq heures d’attente à l’urgence, le médecin incompétent avait toujours pas trouvé ce qu’ils avaient. Ils les ont mis en quarantaine pendant trois jours et c’est l’unité de décontamination au grand complet qui leur est passé dessus à grands coups de désinfectant au citron. Pour ne pas que tu perdes le fil de ses malheurs, elle a toutefois bien pris soin d’actualiser son statut avec tous les détails toutes les vingt minutes avec les émotions pertinentes.
Tu penses que ton chum manque de style avec ses chandails de Batman et ses boxers Fruit of the loom ? Son chum c’est le sosie de Bob Gratton. T’aurais dû voir son accoutrement pour leur souper au Scores lors de leur cinquième anniversaire de mariage: un beau chandail de loup et des joggings chinés gris. Elle a eu droit à la totale avec les bas blancs et les sandales. C’est pas le pire. L’été, c’est la camisole de Village People avec des shorts de cycliste des années quatre-vingt. Elle t’a même publié une belle photo de qualité douteuse avec un émoticône qui vomit en prime.
Quoique ses statuts sont quelque peu distrayants, en tant que bonne amie, t’aimerais lui remonter le moral en lui rappelant, avec un clin d’oeil, que souvent, l’herbe est pas plus verte chez le voisin. Que la vie peut pas être toujours Spic n’ span. J’vais te conseiller de laisser faire.
Tu aurais le goût de lui dire que les princes charmants existent juste dans les contes de fées. Que tu ne changerais pas ton chum pour rien au monde même s’il fait dur par moments. Parce qu’il t’aime et qu’il t’endure avec toutes tes imperfections. Et c’est pas rien. Que toi aussi, tu finis par t’emmerder en faisant le clown qui fait coucou à quatre pattes avec une débarbouillette pour décrotter le nez de ton plus jeune. Pis ton ménage, il sera jamais parfait. Life sucks sometimes.
Mais bon, c’est un secret pour personne que la chialeuse chronique ne changera pas et que peu importe ce qui lui arrivera et ce que tu lui diras, elle sera toujours éternellement insatisfaite.
Ça fait que c’est ça, t’as presque terminé ta pause sur le bol en même temps que t’as développé une relation amour-haine avec ton amie-chialeuse-chronique-oh-combien-divertissante-qui-changera-jamais. Tu l’aimes d’amour parce qu’elle te rappelle à quel point t’es chanceuse. Parce que tu sais profiter du moment présent et apprécier les petits bonheurs de la vie. Tu la hais aussi un peu parce qu’elle passe toujours proche de te faire perdre foi en l’humanité et/ou ton temps. Assez pour pitcher ton cellulaire par la fenêtre ouverte.
À bout de ressources, pense à la case Unfriend.
VÉRONIQUE MARTEL
Laisser un commentaire