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Avant, la travailleuse acharnée, celle qui, les yeux sortis de la tête, bavait devant la pile de dossiers, jamais capable de résister, celle qu’on citait humblement en exemple, c’était toi. Et c’est toujours assoiffée de projets que tu barrais la porte du bureau derrière toi.
Pis, t’as rencontré l’homme qui allait devenir le père de tes enfants. T’étais l’amoureuse idéale, la parfaite moitié qui voulait refaire le monde à grands coups de je t’aime et de folies.
Comme tu jubilais de voir ces deux sphères de ta vie se confondre dans l’excellence. Pis en plus tu portais du sept ans ! Heille du fucking sept ans, y penses-tu ?
Ça n’a pas été long qu’il t’a manqué la cerise sur le sundae. Ça fait que les enfants ont fini par arriver. Sans manuel d’instructions. Sans période de probation. Ton patron, lui, t’as fait la gueule, t’sais.
Ce fameux jour où, encore incrédule et figée, tu fixais ce qui devait bien être ton cinquième test de grossesse positif, tu étais plus qu’heureuse. Mais c’est une des rares fois dans ta vie où tu t’es sentie aussi maladroite, aussi petite. Et tu as paniqué. Après tout, une ligne rose venait de se tracer entre ce que t’étais pis ce que t’allais devenir. Pas de bouton reset. T’avais peut-être pas trop réfléchi au fond. Mais on est jamais prêt pour ce genre d’aventure de toute façon.
Aux cours des mois qui ont suivis, plus ton ventre s’arrondissait, plus tu visualisais le genre de maman que t’allais être. Rien de bien tangible et concret pour t’enligner mais c’était tout de même clair dans ta tête que t’allais être encore et toujours un parfait exemple d’excellence et de réussite. À grands coups de patience et de dévotion, tu allais mener joyeusement la barque. Tu retournerais vite dans tes jeans d’antan, tu serais une mère impeccable et une promotion n’attendrait pas l’autre.
Mais au final, la vérité, c’est que rien de tout ça ne s’est produit et que depuis que tu as mis bas, tu te mets une pression pas possible sur les épaules, culpabilisant à la moindre occasion et pour toute raison, accumulant les déceptions par rapport à tes idéaux.
T’sais, contrairement aux autres facettes de la vie, être mère, c’est de ne pratiquement jamais savoir si tu fais un bon travail ou pas. C’est un domaine où t’as plus de chance de recevoir un coup de pied dans le ventre qu’une tape dans le dos. Tu y vas à peu près, à tâtons. Un peu comme ta propre mère, un peu à ta façon.
Tu t’autoflagelles beaucoup, gratuitement. Mais pourquoi au fond ? Arrête ça, veux-tu ?
J’suis là pour te dire que tu dois revirer ça de bord immédiatement, ma fille. Change ton fusil d’épaule. Pas demain. Là.
Chaque jour, tu fais de ton mieux et c’est juste assez.
Et pis ce soir, quand tes enfants vont être endormis, prends un petit temps pour aller les voir. Regarde leurs petits doigts, écoute leur respiration. Dis-toi qu’à travers ces petits êtres débordants de vie, de rêve et de magie bien elle est là, ta réussite. Elle est là, ton excellence.
C’est tout. Cherche pas plus loin.
STÉPHANIE HÉBERT
J’aime beaucoup tes textes et celui ci fait du bien à l’âme 🙂 merci