Depuis qu’on se connaît, tu me complimentes. Tu me montres que tu m’aimes. Que tu me désires. Que tu me trouves belle. Ça fait que j’avoue que j’ai pris une drop quand tu m’as appris que ma bedaine de baleine échouée de trente semaines de grossesse te turnait off pis sur le coup, j’ai eu le goût de t’étriper.
J’ai eu le goût de t’étriper parce que c’est moi qui me tape la job depuis six mois. C’est moi qui me suis vomi le corps à qui mieux mieux pendant le premier trimestre. C’est moi qui ai coupé l’alcool et les sushis pendant quarante longues semaines. C’est moi qui braille parce que je ne rentre plus dans mes jeans. C’est moi qui suis réveillée toutes les nuits par des brûlements d’estomac ou cinq envies de pisser consécutives. Bref, c’est moi qui paye. Et c’est bien difficile pour moi de me taper tout ça et de savoir que tu ne me désires plus par-dessus le marché.
Je ne te cacherai pas que mon estime personnelle n’est pas à son top depuis que j’ai pris quarante livres. Pis que je crains bien souvent de ne plus jamais rentrer dans mes jeans une fois que j’aurai mis bas.
On a pas besoin de se le dire que mon corps a changé et je suis la première à ne pas me trouver particulièrement sexy avec ma démarche de pingouin et le ballon-sauteur qui me sert de ventre.
On m’avait dit que mes cheveux seraient doux comme de la soie enceinte, mais dans les faits, tout ce que je réussis à en faire, c’est une espèce de toque grasse. On m’avait dit que ma peau serait resplendissante, mais il me semble que je suis en train de disparaître derrière ma face en sébum pleine de boutons. On m’avait dit que les courbes de mon corps allaient le rendre sexy et attrayant parce que c’est tellement beau, une femme enceinte. Mais moi, je me regarde dans le miroir et tout ce que je vois, c’est une grosse épave.
Bien franchement, il n’y a pas grand-chose qui se passe comme je l’avais espéré et je réalise que ce serait ben hypocrite de ma part de ne pas comprendre que toi aussi, tu puisses te sentir dépassé par les quarante livres que j’ai prises en moins de six mois et mon humeur de truck.
Aujourd’hui, tu vois plus en ma grosse bedaine la nouvelle mère qui s’en vient que la fille sexy que t’a courtisée v’là cinq ans pis pour être tout à fait honnête, même si je n’ai pas oublié la femme que j’étais avant de voir apparaître les deux barres roses sur mon test de grossesse, moi aussi, c’est ce que je vois bien souvent quand je me regarde dans le miroir.
Mais le temps que ça passe, que j’accouche pis qu’on s’adapte à notre rôle de parent, j’aimerais ça qu’on continue de s’aimer même s’il faut s’aimer autrement. J’aimerais ça qu’on trouve d’autres façons de se dire «je t’aime» pis qu’on profite à fond de ce moment-là qui passe pis qui ne reviendra jamais.
Mon chum, t’as le droit de ne pas me trouver désirable avec ma bedaine, mais dis-moi que tu m’aimes.
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