C’est arrivé comme ça, sans crier gare.
Ton médecin voulait te revoir et il te l’a annoncé : un mal sournois s’est installé en toi et tu devras le combattre.
Le sol s’est effondré sous tes pieds. La vie ne tient qu’à un fil, tu le sais plus que jamais. Ton chemin, tu devras désormais le poursuivre sur une corde raide. Tu es une funambule qui entreprend, sans entraînement, une traversée d’une durée indéterminée sans savoir si tu t’en sortiras indemne. À tout moment, une bourrasque pourrait te faire perdre pied et chuter hors de ce monde prématurément, loin des tiens.
La vie est une chienne, peut-être entretiens-tu une relation amour haine avec elle. Tu la méprises de t’imposer ce sort, mais tu l’aimes, pour avoir mis sur ton chemin tes enfants. Tu te consoles en te disant qu’au moins, eux, sont encore en santé. Mais la culpabilité et l’angoisse te rongent à l’idée leur faire subir un abandon. Tu dois mettre ton rôle de maman en veilleuse par moments pour te soigner. Parce que depuis que tu es maman, tu n’as jamais autant tenu à ta propre vie. Mais voilà que ton corps fait des siennes.
Tu pourrais céder à la déprime, mais est-ce l’image que tu veux laisser à tes enfants, si tes jours sont comptés? Évidemment non. N’empêche que tu pleures sûrement parfois, le soir. On ne peut te blâmer si la déprime prend le dessus.
Tu espères pouvoir laisser plus que de vagues images dans la mémoire de ta marmaille adorée si tu venais à perdre pied. Ils méritent de connaître leur mère, non pas qu’elle leur soit racontée comme on raconte une histoire. Tu ne peux probablement pas t’empêcher de penser à celle qui te succédera dans les bras de ton homme. Permettra-t’elle qu’on entretienne ton souvenir? Saura-t’elle aimer tes enfants comme tu les aimes? La confiance en ton homme est ton unique choix.
Toi, la maman funambule, tu piétines sur une corde au-dessus d’un océan de questions sans réponses. Le néant. Tu observes le sablier de ta vie s’écouler, en souhaitant une décélération. On quittera tous ce monde, tu le sais, mais est-ce que cela doit absolument se produire alors que tu joues le rôle de ta vie, celui de maman?
Peu importe le mal qui vit en toi, je pense à toi, souvent depuis que je suis maman. Je ne suis pas toi, tu n’es pas mon amie, ma mère, ma sœur. Mais tu vis l’une de mes plus grandes peurs, après celle de voir la vie reprendre mes petits. Rien ne dit que la maladie ne frappera pas demain. J’espère que tu es bien entourée. Je te souhaite un parcours exempt d’embûches, malgré le malheur qui a jeté son dévolu sur toi. Je souhaite à tes enfants de pouvoir te conserver auprès d’eux le temps qu’ils grandissent et deviennent des adultes autonomes. Je sais que tu sais plus que quiconque à quel point la vie est fragile et précieuse et que tu sauras lui faire honneur si elle décide de reporter ton rendez-vous avec la grande faucheuse.
Je ne sais pas quels mots pourront te donner espoir et réconfort, s’il en existe. Mais je tente de le faire de mon mieux, en toute sincérité. Je tente de chérir la vie au quotidien au nom de celles qui sont tombées en cours de route. Je donne aux fondations qui te supportent et t’envoie une grosse dose d’encouragements.
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