Tu es une femme occupée. Et performante. Le jour, tu travailles. Après ta journée bien remplie au boulot, tu retournes chez toi et tu redeviens simplement mais pleinement maman. Après avoir mis ta marmaille au lit, tu délaisses (un peu) ton rôle de maman pour faire place à la femme. À l’amoureuse aussi. Un peu de temps pour toi et ton Homme. Souvent, c’est pas grand-chose; juste être collé-collée pour écouter une émission que vous appréciez et ça vous maintient soudés en tant que couple.
Tu gères les différentes facettes de ta vie avec brio. Tu jongles avec les diverses priorités; tu notes les dates et trucs importants pour être certaine de ne rien oublier. Parfois, tu rognes un peu sur le sommeil pour arriver à tout faire, mais tu tiens le coup. Et, généralement, tu réussis à récupérer sans trop de peine. Les gens autour de toi admirent ton sens de l’organisation et ton énergie.
Cependant, depuis quelque temps, tout est un peu plus difficile. Ton énergie manque à l’appel. Même en continuant à gérer tes heures de sommeil avec la précision d’une montre suisse, tu es fatiguée. En fait, tu sens bien que quelque chose cloche, mais tu te dis que c’est temporaire. Que c’est sans doute cet hiver qui n’en finit plus de finir qui te gruge un peu…
Voilà maintenant le printemps qui achève, mais tu ne vois toujours pas de changement. En fait, si, tu as remarqué quelque chose. Il y a une semaine, sous la douche, tu as senti une bosse. En fait, ce n’est pas juste une bosse; ton sein gauche est carrément déformé. Le mamelon semble rentré par en dedans. Incertaine de ce que tu dois faire, tu laisses le temps filer en continuant de peine et de misère à venir à bout de tes journées que tu trouves maintenant surchargées et tu fais taire cette petite voix inquiète qui monte en toi.
Puis, un soir, c’est ton homme qui arrête de te caresser et qui, très sérieusement, te conseille d’aller consulter. « Oui, oui… » Fatiguée, tu te retournes, préférant tout à coup dormir. Pour dire vrai, tu veux surtout cacher ces larmes naissantes sous tes paupières. Il n’est pas dupe. En t’enlaçant, il te murmure : « Niaise pas avec ça, OK? Je t’aime. » Tout est dit. Cette petite voix que tu étouffais explose dans ta tête. Tu as peur.
Dans le cabinet médical, ton homme à tes côtés, les propos du médecin t’assomment. Le mot « cancer » a été prononcé. Subitement, tout est flou autour de toi. Dans ta tête se bousculent des pensées plus ou moins cohérentes. « Je dois faire cuire le poulet ce soir sinon je vais le perdre. », « Je serai en arrêt de travail ou je peux continuer à travailler? », « Comment je vais dire ça aux enfants? », « Je bois pourtant plein de thé vert! », « C’est sûrement une erreur. », « Mes cheveux! », « Mon sein… ».
Les mots « chimiothérapie » et « radiothérapie » résonnent dans tes oreilles. Ton homme se lève d’un bond. Furieux, l’index pointé en direction du médecin prophète de malheur, il clame que tu ne mérites pas ça, que ce n’est pas juste. Sa voix tremble. Ton homme fort s’écroule, terrorisé par ta maladie. Impuissante, tu pleures doucement.
De retour chez toi, tu dois commencer à avertir ton monde. Tout naturellement, c’est ta mère que tu appelles en premier. Tu peines à prononcer les mots. « Maman… » Ta voix se brise. « Qu’est-ce qui se passe ma belle chouette? » Tu éclates en sanglots. Tu raccroches, incapable de parler. Tu optes pour le texto. Pas facile d’écrire « Maman, j’ai un cancer. ». En appuyant sur « envoyer » tu hurles. Tu libères enfin ce cri coincé dans ta gorge depuis l’annonce du médecin.
La réponse de ta mère est instantanée : « J’arrive. Je t’aime. »
Pour Annie.
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