La semaine dernière, je suis arrivée assez en avance à un rendez-vous. Devant la clinique, il y avait un parc. Je n’ai pas de données internet sur mon cellulaire et n’ayant pas accès à une connexion wi-fi, j’ai décidé de descendre de ma voiture et d’aller m’asseoir quinze minutes au soleil. « Profites-en, tu es seule » me suis-je dit.
Bien sûr, au début je pensais à mes finances, à mon emploi, à mon enfant. Puis, j’ai laissé mon esprit vagabonder. J’ai réalisé qu’on ne prend plus le temps de rester à ne rien faire, de rester sans bouger, à simplement contempler. Dans les premières minutes, j’avais des tics, je regardais mon cellulaire pour voir le temps qui avance plutôt que d’admirer les reflets argentés du soleil sur l’étang, je cherchais à tout prix un jeu qui ne demande pas de connexion internet, une distraction sur un insipide écran. J’étais impatiente.
« Respire. » me suis-je dit. Alors, j’ai fermé les yeux. J’ai pris le temps de ressentir la brise dans mes cheveux, la chaleur du soleil sur mes pieds nus. J’ai écouté le chant des nombreux oiseaux et le vent dans les roseaux. J’ai été bien, l’espace d’un instant. J’étais immobile dans le temps et l’espace.
Nous vivons à un rythme de plus en plus effréné. Nous cherchons des distractions rapides, souvent brèves, nous vivons dans un fil d’actualité défilant sans fin. Quand prenons-nous vraiment le temps d’observer sans penser à photographier, à filmer, à immortaliser? Pourquoi ne laissons-nous plus rien filer dans le temps? L’éphémère a aussi quelque chose de beau. Et la passivité est l’ennemie moderne.
Il est bon de parfois juste s’arrêter, se figer et regarder à l’horizon, jeter un regard et un sourire à l’inconnu assis près de nous au restaurant, écouter la musique qui joue en sourdine.
En tant que parents, j’ai l’impression que tout ça nous paraît pire. Nos enfants nous forcent en quelque sorte à vivre rapidement : ils courent, grimpent, ont de l’énergie à revendre. Ils salissent et foutent le bordel, on doit les trimballer à leurs mille et un cours de natation ou de musique, à l’école, à la garderie. On préfère les voir en mouvement constant, de peur qu’ils se transforment en patates de divan sédentaires et passives, par peur du jugement.
Mais les enfants ont aussi ceci de magique : ils vivent le moment présent. Ils ne se préoccupent ni du passé, ni du futur. Ils prennent le temps d’observer, d’imaginer, de contempler. Ils s’arrêtent le long de la route pour cueillir une fleur ou saluer quelqu’un, avec nous qui les poussons derrière parce qu’on est constamment en retard.
Quand je passe un moment avec mon garçon et que je suis distraite, que je cherche à faire autre chose en même temps, quand je pense à des choses rationnelles et plates, si je fouille dans mon cellulaire, il me rappelle à l’ordre. Il me lance un petit cri ou vient poser ses mains sur mes genoux en me fixant simplement. Alors, je prends le temps de toucher ses petits cheveux si fins et doux, de caresser sa peau neuve et sans marques, les plis délicats à ses poignets et ses coudes. Je l’écoute babiller dans ce drôle de langage qui lui est propre, comme s’il se racontait des histoires à lui-même. Je l’observe manipuler pendant de longues minutes un cube banal ou sa figurine de Woody qu’il aime tant.
Et à ce moment précis, une grande vague d’amour et de reconnaissance m’envahit.
Parce que grâce à lui, du haut de ses quinze mois, l’espace d’un instant, j’apprécie de rester immobile.
T’as bien raison Virg <3