Ma fille,
Ne me demande pas pourquoi cette pensée me vient parfois à l’esprit quand je te regarde. Quand tu étais dans mon ventre, mon esprit ne pouvait pas mettre un visage sur ton petit corps qui grandissait en moi; tu n’étais qu’un point d’interrogation nourrissant ma curiosité. En fait, je me suis demandé si la vie allait te donner la permission d’exister jusqu’au dernier moment.
Quand tu es finalement arrivée dans notre monde, tu semblais si fragile, si vulnérable que je suis devenue obsédée par la peur de te voir mourir, de te perdre. Alors, je suis devenue mère-poule-paranoïaque et grande lectrice d’articles web sur le syndrome de mort subite du nourrisson.
Puis, tu as grandi, tu t’es mise à sourire, à rire, à marcher et je me suis bien rendu compte que ce cadeau que la vie m’avait fait ne m’avait toujours pas été repris même si les dangers qui rôdaient autour de toi ne manquaient pas : un fil électrique, un escalier, un objet tranchant/pointu/étouffant/contaminé. Malgré mes efforts pour sécuriser les lieux, ton impressionnante évolution amenait de nouveaux défis en matière de sécurité. Les chaises autour de la table de cuisine devenaient des marches pour te donner accès à la table et aux objets dangereux qui s’y trouvaient. Tes premières explorations téméraires m’ont donné froid dans le dos; un mélange de fierté et de peur se bousculait alors en moi. M’obligeant à m’y adapter, chacune de tes cascades me rappelle encore aujourd’hui que je me dois de te protéger de toi-même. Oh, bien sûr, je sais que je ne pourrai jamais contrôler tous tes mouvements et que mon petit coeur de mère doit lâcher prise et te laisser trébucher dans le but d’apprendre, mais cette angoisse de te perdre est omniprésente.
Pourquoi suis-je incapable de t’imaginer vivante dans quatre ans? Dix ans? Trente ans?
Je n’ai jamais cru aux prémonitions. Je ne crois donc pas que je puisse connaître ton avenir. Mais si, avant ta naissance, je ne croyais pas à ton existence, et que malgré tous les risques encourus, tu es encore là, un an plus tard, dans mes bras, c’est peut-être parce que je mérite de t’avoir dans ma vie. Et si cette vision pessimiste de l’avenir était tout simplement le fruit de mon inquiétude de ne pas être digne d’être ta mère? Avec tout le bonheur que tu m’apportes, malgré tout ce que je te fais subir, tu me pardonnes sans hésitation. Ton amour est infini et inconditionnel. Dans tes yeux se trouve la pureté de l’humanité, un joyau que j’ai la mission sacrée de préserver.
Ma fille, j’ai eu peur de te perdre un nombre incalculable de fois. Mais tu es toujours là et en ce moment présent magique, je flotte sur un nuage à savoir que tu es encore dans ma vie. Merci de m’apporter ton rayon de soleil tous les jours. Je ne sais pas combien de temps va durer ce rêve, ce mirage, cette idylle, mais je commence à me faire à l’idée que tu es là pour rester. Tu fais désormais partie de ma réalité. Et j’aime ça. Mon coeur est maintenant prêt à t’aimer et à souffrir pour toi. Tu as transformé ma vie en quelque chose de plus beau.
Le temps passe et j’apprivoise tranquillement l’idée qu’un jour, lointain je l’espère, quand mon corps sera rongé par la vieillesse, je pourrai avoir le bonheur de voir ton sourire juste avant de m’éteindre.
Ainsi, je saurai que ma vie n’aura pas été vécue en vain, parce que j’aurai laissé une petite merveille derrière moi.
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