Je n’ai jamais eu affaire à toi personnellement. On n’était pas amies, mais tu me laissais tranquille. Tu venais me voir quand tu avais besoin d’aide pour un devoir… ou pour essayer de me convaincre de te laisser copier le mien. Notre relation s’arrêtait là. Par contre, pendant ces cinq années, je t’ai vue aller. Tu étais la reine des couloirs. Belle (si belle que ça? Je ne sais plus trop, avec le recul…) et rebelle, les gars étaient tous après toi. Les filles te craignaient autant qu’elles souhaitaient faire partie de ta bande.
On peut bien se l’avouer aujourd’hui, toi-même tu ne le nieras pas, tu traitais souvent les autres comme de la marde. Hautaine, moqueuse, carrément méchante; même avec les profs, t’étais baveuse sans bon sens. Je t’ai vue à l’œuvre et pourtant jamais je n’ai osé intervenir. J’avais bien trop peur que tu te retournes contre moi ensuite. J’agirais différemment aujourd’hui, sois-en sûre! Et toi, referais-tu tout de la même manière? J’aimerais bien ça savoir quel regard tu portes sur ces années-là, maintenant? À ce moment, rien n’avait l’air de pouvoir t’atteindre pour vrai. Est-ce que c’était réel, ou bien une façade que tu te sentais forcée d’entretenir?
Chère ancienne mean girl, on a la trentaine aujourd’hui. Je te croise parfois, à l’épicerie, dans des files d’attente. Et tu fais une chose que tu n’as jamais vraiment faite à l’époque : tu me souris et me salues poliment. Honnêtement, tu as l’air ben gentille. Peut-être que tu l’étais déjà au secondaire et que je l’aurais découvert si je m’étais donné la peine d’aller voir plus loin que l’évidence. Peut-être aussi que tu as juste, comme moi, mûri et évolué. Dans tous les cas, ça me donne de l’espoir. L’espoir que tout le monde peut changer.
Nous étions si différentes jadis, et aujourd’hui, je trouve qu’on se ressemble pourtant. Nous sommes deux mamans. Deux mamans avec la broue dans le toupet, habillées en mou au cours de danse du samedi matin. Deux mamans bien ordinaires qui font de leur mieux chaque jour. Deux mamans qui veulent le meilleur pour leurs enfants adorés. Quand tu regardes tes petits, aujourd’hui, as-tu peur parfois? As-tu peur, comme moi, qu’un jour ils aient affaire à une «ancienne toi»?
Signé : l’ancienne bollée du secondaire
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