Ce matin, lorsque j’ai entendu ta petite voix m’appeler du fond de ta chambre, j’ai tout de suite senti que quelque chose n’allait pas. Sans même te voir, je savais que la journée serait difficile. Autant pour toi que pour moi.
Parce que moi, ce matin, j’étais fatiguée avant même de me lever. Un lundi matin comme les autres, quoi. Une grosse semaine s’annonçait : beaucoup de boulot, beaucoup de rendez-vous, beaucoup de courses folles contre la montre. Ma montre qui, me semblait-il, prenait un peu de retard sur mon rythme de vie normal, sur ma vitesse de croisière.
J’espérais donc du plus profond de mon être que rien ne vienne s’ajouter à mon horaire déjà plus que rempli.
Mais ce matin, en entendant ta voix éraillée, j’ai senti que mon plan de vie pour la journée venait de tomber à l’eau. Et très fort probablement pour les autres journées qui suivraient aussi.
En ouvrant la porte de ta chambre, j’ai perçu un changement dans ta respiration. Oui, pas de doute : la journée serait pénible.
Je me suis penchée sur ton lit, et je les ai vus. Tes yeux, habituellement brillants de bonheur à ton réveil, étaient assombris. Ton regard lumineux était terni.
Mon bébé, tu étais malade. Encore.
J’en voulais à la vie de m’imposer ça encore ce matin. J’en voulais au monde entier pour tous ces virus qui se propagent à tous vents et osent attaquer ton beau petit corps d’enfant. J’ai soudainement eu une envie folle de pleurer.
Je t’ai touché. Tu étais brûlant. Cette satanée fièvre qui ne te lâchait plus depuis le début de l’hiver. Pourquoi toi? Je me suis sentie coupable. Qu’avais-je fait de mal pour que tu sois encore malade? Quelles précautions avais-je oublié de prendre?
Puis j’ai pensé à ma journée, à ma semaine. Je devrais encore me débrouiller pour gérer un enfant malade à travers tout ce qu’il y avait déjà sur ma liste. Je devrais encore prendre congé du travail, m’excusant de ton état. Je devrais encore reporter des rendez-vous, pour pouvoir y placer celui me permettant de te faire voir un médecin à la clinique. Parce que je me doutais bien qu’on en viendrait là. Faire des pieds et des mains pour réussir à avoir un diagnostic sur ton état.
Puis, j’ai eu honte. Je m’en faisais avec mon planning hebdomadaire quand toi, mon bel enfant, tu souffrais. Mais c’est ce que fait une maman : essayer de tout prévoir, tout le temps.
Sauf qu’un enfant malade, ça ne se prévoit pas. Et malheureusement, ça survient rarement à un bon moment. En fait, si je pouvais prévoir ça aussi, tu ne serais jamais malade. Jamais.
Je t’ai donc pris dans mes bras, commençant à te guérir par un câlin. C’est ce que je fais de mieux pour soigner les bobos.
J’ai donc décidé de prendre cette journée comme une occasion de passer du temps avec toi, bien collés. Tu allais passer avant mon travail et mes rendez-vous. Ma priorité, c’était de prendre soin de toi.
Évidemment, j’étais inquiète. L’inquiétude m’était tombée dessus comme une tonne de briques à ta naissance. Mais quand tu étais malade, elle se gonflait comme un ballon prêt à éclater. Quelle mère n’est pas inquiète lorsque son enfant a mal? Je n’ai pas la prétention d’être différente des autres. Je me questionnais sans arrêt à savoir si tes malaises provenaient d’un simple rhume. Ou si tu avais quelque chose de plus grave. Je m’alarmais.
Ta journée fut difficile, ton humeur suivant ta température corporelle. Je t’ai bercé, consolé, soigné. Du mieux qu’une maman puisse faire. Mon travail, aussi important puisse-t-il être, ne le serait jamais autant que toi.
Toi, mon enfant malade, tu avais besoin de moi.
Même si mon niveau d’énergie était déjà très bas –étais-je en train d’attraper moi aussi ce foutu virus?-, j’ai trouvé la force de m’occuper de toi. Une maman, parfois, ça fait presque des miracles. Je t’ai tenu près de moi de longues heures. Mes bras étaient engourdis, mais je savais que c’était l’endroit le plus confortable pour calmer ta douleur.
Et je t’ai embrassé. Souvent. Comme si l’amour allait pouvoir venir à bout de tous tes microbes.
Maintenant, rendus au bout de notre journée, j’avoue être épuisée un peu. J’aimerais pouvoir être malade à ta place, juste pour te voir retrouver ton beau sourire. Mais c’est impossible. Je sais bien que je devrai veiller sur toi cette nuit.
Peut-être que la lumière dans tes yeux sera de retour demain matin. Peut-être pas.
D’ici là, je vais continuer ce que je fais le mieux pour te soigner : t’aimer.
On affrontera le reste demain.
AUDREY ROY |
Texte très touchant,du moins pour moi. De plus je suis mère de deux garçons qui ont eux aussi des enfants. Donc,mamie aussi et j’ai travaillé dans un département de pédiatrie pendant de très longues années. Et mon amour des enfants est sans limite,c’est pourquoi ce magnifique texté me rejoint autant,pour avoir vécu des moments similaires,voilà! Donc,bravo pour cette lecture qui m’a plût autant.
Excellent texte et merci pour le temps agréable que j’ai connu à sa lecture .