T’as sept ans et on dirait souvent que t’en as dix-sept. Tu te débrouilles comme un grand depuis déjà longtemps. Parfois, j’ai l’impression que je ne t’ai rien montré, que tu as tout appris par toi-même. T’as jamais été dans mes jupes, t’as plutôt toujours eu une longueur d’avance. En fait, tu es un grand, mon grand petit dernier indépendant.
Je peux compter sur mes doigts les fois où je t’ai réconforté, aidé, cajolé. C’est comme si tu en avais pas vraiment besoin. Toutes ces manifestations de maman qui prennent soin, tu ne comprends pas ça. Tu veux de l’air mon fils, le grand air. Celui qui souffle fort et qui t’amènera loin.
Depuis tes deux ans, je te regarde aller de l’avant sans te retourner. Affronter la vie avec le sourire confiant et approcher les inconnus sans méfiance. Bien que je sois là derrière toi, tu ne sembles pas vraiment t’en soucier. Comme si tu savais exactement quoi faire si le pire arrivait. Est-ce que tu saurais réellement quoi faire ou es-tu totalement inconscient du fait que parfois, les événements peuvent prendre une tournure dramatique ? Je crois que c’est un beau mélange des deux. Un amalgame de tout ça qui m’amène un lot de stress maternel que je considère troublant par moment. Moi aussi je suis mélangée, mon fils. Dois-je te laisse aller, trois pas derrière toi, en admirant ta belle indépendance, ou dois-je marcher devant toi pour que tu apprennes que la vie est un sport dangereux ? Je fais de mon mieux, j’essaie de faire les deux.
En même temps, après sept ans d’expérience d’être ta maman, je ne me vois plus te restreindre dans ton désir d’indépendance. Les tentatives que j’ai fait pour me faire croire que tu avais besoin de ta maman comme ton frère ou la plupart des autres enfants t’ont rendu malheureux. Ça te fâche, tu frustre dans ton désir de prendre des initiatives et de t’accomplir. Parce que oui, tu t’accompli. Avec un caractère que je qualifie souvent de tête de cochon mais je l’accepte maintenant. Parce que c’est comme ça que tu apprends. Parce que des fois, c’est à la dure que tu comprends et que par la suite tu feras les choses autrement.
Je peux être perçue comme une mère qui laisse son enfant faire tout ce qu’il veut. La nuance, c’est que je te laisse vivre ton expérience humaine comme tu le souhaitse, en accord avec ta nature et ce que tu es. Il arrive que je me fasse la réflexion que tu n’es peut-être pas tout à fait humain, mais j’ai cheminé moi aussi. J’ai compris que je devais t’aimer comme tu es Alors j’accepte. Je suis la maman jamais bien loin, juste là, qui surveille en se répétant « j’espère que ça va bien aller ». Même quand ça se passe mal, tu viens rarement vers moi. Tu peux te retourner, vérifier si je suis là, te relever et continuer. Pour toi, c’est amplement suffisant.
Il y a ce moment, le soir quand tu te couches où je te borde et discute avec toi de ta journée. Tu me parles avec fierté de ce que tu as fait. Ta grande curiosité fait en sorte que tu peux me poser milles et une question sur la vie. Comme si, dans ta tête, tu préparais ton expédition à travers la vie humaine du lendemain. Dans tes questions, je sens parfois que tu veux contre valider certaines de tes peurs. Avec le sourire, ton enfant téméraire, tu m’écoutes et je te sens heureux. Je profite de ce moment précieux où tu prends le temps de m’enlacer en me soufflant à l’oreille le plus doux des je t’aime. « Moi aussi je t’aime » que je te réponds en tentant d’étirer un peu plus longtemps l’unique moment ou tu es à mes côtés plutôt que trois pas en avant.
MARIE-ÈVE BAILLARGEON |
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