Belle enfant de mon cœur,
Mon bébé pâte à modeler, que je t’appelais. Parce que je pouvais t’emmener où je voulais, te prendre de la façon dont je le sentais, t’imposer mon rythme de vie, te bercer le temps dont je disposais. Tu étais docile. Tout sourire. Plaisante de jour comme de nuit. On m’enviait de t’avoir pour bébé. Tu étais en tout point ce qu’on espère pendant nos quarante semaines de grossesse. Tout était facile. On était zen. Je n’avais que toi à me soucier. À prendre soin. À aimer plus grand que nature.
Et puis est arrivé le fameux terrible-two. Et c’est qu’il était précoce chez toi, ce fameux stade de la vie. Je voyais les autres mères autour de moi avec leur regard qui dit tout. Ce fameux regard qui se veut apaisant. Ce regard plein de compassion mais qui me susurrait «Voilà! Ta vraie vie de maman commence, ma grande! Exit la lune de miel! Welcome in reality!»
Du pas très haut de tes dix-huit mois, tu étais méconnaissable. Du jour au lendemain, sans aucun préavis de ta part, tu étais devenue ma terreur nocturne vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Rien à voir avec celle que j’avais mise au monde. Plus personne ne te reconnaissait. Tu étais passée de l’enfant parfaite à la mule indomptable. Mais je me suis consolée. Tu étais comme tous les autres toddlers. Tu t’affirmais haut et fort. Je te trouvais même cute par moments d’avoir cette attitude d’un général de l’Armée Rouge. Je me disais que ça te passerait. Tu sais, l’être humain peut endurer beaucoup quand il sait qu’une fin est prévue à son supplice.
Mais contrairement à bien d’autres, ton caractère bouillant ne s’est jamais vraiment estompé. Et dans notre société actuelle, comme tout doit avoir une raison d’être, j’ai passé des mois à chercher le comment du pourquoi. J’ai mis ça sur le dos du fucking four, de l’arrivée de ta sœur, du départ de la garderie, du changement de saison, de l’entrée en maternelle, de la perte de ta première dent, de la couleur des murs de ta chambre à la couleur de ton assiette.
Rien, absolument rien, n’est venu mettre un baume sur mon questionnement.
Ton opposition systématique, ça fait maintenant tout près de six ans qu’on vit avec, ma belle enfant. Et force m’est d’admettre que ça demeure un mystère pour moi. Rien ne l’explique, rien ne le justifie, rien ne l’apaise. Tu es comme ça. Sans raison apparente, à part peut-être les gènes de tête de cochon dont tu as hérités.
Bien que ça fasse peur parfois, j’ai compris que je n’y peux rien. Et en fait, je n’y veux rien. Parce que c’est toi, dans toute ta splendeur. Parce que malgré tout, ça fait partie de ton charme légendaire. Parce que j’ai confiance que toute cette énergie saura te faire gravir des montagnes immenses et que cette fougue qui te caractérise si bien te fera sortir des sentiers battus.
Mais je l’avoue, ça m’effraie parfois. J’ai peur qu’un jour tu tombes sur un ami, un professeur ou n’importe qui d’autre qui refusera ou ne pourra pas voir sous tes épaisses couches d’oignon à quel point tu es merveilleuse. Que sous tes airs de petit lion enragé et assoiffé de justice, tu ne demandes qu’à aimer et être aimée. J’ai peur que ta vie soit plus difficile que celle de ta sœur parce que tu es plus dure d’approche et à quelque part, plus dure à aimer pour quelqu’un qui ne fera pas l’effort de te découvrir.
Mais sache que pour ma part, même si le quotidien à tes côtés est parfois une montagne russe, pour rien au monde je ne changerais ta personnalité colorée et bourrée de particularités, et ce, même si elle vient avec des chaudières d’argumentations, de cheveux blancs et de beaucoup de batailles perdues.
Tu seras toujours à mes yeux, mon bébé parfait.
MARIE-CLAUDE LAMARRE |
Tellement parfait! Ma petite Delphine est tellement bien représenté dans ce texte… Et non je n’y changerais rien à cette petite boîte à surprise opposante… Je me surprends même à refouler des rires nerveux à chacune des rencontres avec professeur, psychologue et directeur, simplement parce que tout son potentiel que je vois pour elle dans l’avenir sera forcément en raison de sa manie à vouloir tenir tête à tout un chacun, merci pour ce beau texte, c’est bien de constater qu’il y a d’autres enfants comme elle.. mais surtout d’autres parents comme moi qui choisissent de voir le beau dans le petit monde de ces enfants et d’y voir le potentiel plutôt que le problème ?