Plus ta grossesse avançait, moins tu y faisais attention. Avec la hâte et l’entrain de bébé qui s’en venait, t’as pas fait exprès, mais t’as commencé à t’oublier en mettant tout ce que tu pouvais de l’avant pour le bien-être de ton petit bonheur qui allait bientôt se pointer le bout du nez.
Ton corps n’était plus le tien mais l’endroit où ton chaton se développait. Tu le savais que les hormones faisaient bien à leur tête et se foutaient de ta prise de poids. Tant pis, tu t’efforçais de lâcher prise comme t’allais devoir continuer de le faire pour le restant de ta vie sur ben des affaires.
Mais là, bébé est grand. Bébé n’est plus seul, il a des frères, des sœurs. Tu le sais que la bénédiction du Seigneur pour te donner des enfants est over parce que les tuyaux sont coupés, pis les hormones s’en vont ailleurs parce qu’il n’y plus de dommages à faire sur toi comme le chantier est déjà pas mal magané.
Ça fait des mois qu’en sortant de la douche, tu évites le miroir comme la peste. Tu parviens à te regarder de face seulement une fois que t’as ta serviette sur le dos ou que t’es habillée. Pis encore, pas tout le temps. Ça dépend comment tu feel. Y’a des jours où tu te sens pas pire, mais quand tu vois une fille un petit peu plus mince que toi, tu retournes aux catacombes intérieures. Celles qui font que tu te sens presque toujours comme une sous-marde. Tu le sais qu’on est toujours plus critique envers soi-même, mais t’es pas capable de t’enlever ça de l’esprit. Tu ne t’aimes plus.
Peu importe ce que tu fais, tu le fais en pensant à ça. Tu veux pas que les gens te voient comme ça. Aussitôt qu’ils jettent un coup d’œil à ton mou de bédaine, tu tombes triste. Anxieuse.
Tu commences même à paranoïer. T’as l’impression que peu importe où tu vas, tout le monde y pense ou va en parler. Qu’ils vont se moquer de tes fesses et de ton gras de bébé en se disant tous que y’a rien là, que t’as juste à prendre soin de toi. Que c’est pas parce que t’es maman au pluriel que c’est une défaite pour pas faire ci et faire ça.
Tu ne vois que ça. Rien d’autre. Finalement, ton corps, c’est un peu comme ta prison. T’es prise dedans, que tu le souhaites ou non. Peu importe ce que tu fais, il te suit. Ça finit par te peser lourd.
Ça commence à faire trop longtemps que t’es à pic. Tes enfants te tapent sur les nerfs pour rien, le ménage te fait royalement suer, tu veux juste crisser après tout ce qui se passe. Ton chum mange la pire des claques. Ta libido est à off. Les caresses, bof. Il te touche sans que ça te tente des fois, sans préliminaires quelconques pis tu te sens agressée. T’es pas dépressive, t’es rien que rendue frustrée de la vie parce que tu ne t’aimes plus. Pantoute.
Tu le sais que ce n’est pas au voisin de faire la job. Pis ça s’envolera pas comme par magie cette culotte de cheval-là. Va ben falloir que ton cerveau allume sa switch pour que tu prennes soin de toi.
Prends donc rien qu’une résolution. Celle de t’aimer. Un peu . Pas trop là, mais juste un petit peu plus chaque jour. Parce que t’as hâte de la retrouver, la femme en sous-vêtements sexy qui se cache en dessous du tas de poussière et de gras des beignes-poutine-pizza-surdose-de-bonbons-chips-c’que-tu-voudras que t’as accumulé au fil des années.
Pis ça fait tellement du bien de la déterrer, cette femme-là. Prends le temps d’y aller tranquillement pas vite, une journée à la fois.
MÉLISSA RONDEAU |
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