Ma fille,
Tu me ressembles, c’est indéniable, tout le monde nous le dit, partout, tout le temps. Je peine à y croire encore, parce qu’au fond de moi, je refuse que ce que je trouve magnifique chez toi, je l’ai longtemps détesté chez moi.
Ma fille, un jour je te raconterai pourquoi maman est différente de ta grand-maman et de ton grand-papa. Je te raconterai que des plus grandes souffrances – celles des parcours d’infertilité – émanent parfois les plus belles histoires – celle de mon adoption.
Ma fille, ton grand-père a de grands yeux bleus et ta grand-mère a un regard aussi doux que le creux de ton cou. Et moi? Moi, j’ai deux petits yeux noirs en demi-lune qui se fondent dans mon visage lorsque je ris trop, un teint doré et les cheveux soyeux comme de l’eau.
Longtemps, j’ai voulu de grands yeux bien ronds et bien pâles. Longtemps, j’ai aimé imaginer comment aurait été ma vie si mon visage avait été le résultat des visages de ceux qui me rassurent. Toute ma vie, on m’a dit que je ressemblais à mes proches; que j’avais le caractère de mon père, la voix de ma mère, l’intonation de ma cousine, la conviction de ma marraine et la créativité de mes tantes paternelles. Mais jamais on ne m’avait dit que je portais dans mon visage, dans ma démarche et dans mes mouvements, d’apparentes ressemblances avec les miens. Ce fait me troublait parce qu’on souhaite tous, quelque part, ressembler à notre famille et s’y reconnaître d’une quelconque façon. Pour moi, la connexion de corps me manquait. Et bien que j’aie appris à accepter cette différence au fil des années, je ne l’ai jamais aimée dans son entièreté.
Et tu es arrivée.
Et tu me ressembles.
Tes yeux en demi-lune, leur couleur, le teint de ta peau, tes expressions faciales. Tout de toi est comme moi; même tes cheveux sont lisses comme de l’eau. Nos corps ne peuvent se nier et ça me fait tout drôle.
Si pour moi la famille est avant tout quelque chose qui vient du cœur, depuis ton arrivée, j’en ai découvert une toute autre dimension. Si j’aime tes yeux, ta peau et tes cheveux, alors je n’ai pas d’autre choix que d’aimer aussi les miens.
Ma fille, merci de me faire connaître ce lien puissant entre une mère et son enfant biologique;
Merci de venir abreuver ces racines que j’avais moi-même cessé de nourrir depuis trop longtemps;
Je t’en serai, pour l’éternité, reconnaissante.
Ta maman qui t’aime et qui apprend encore à apprivoiser ses origines
Laisser un commentaire