Je savais que devenir maman serait difficile, mais je ne savais pas qu’il m’arriverait régulièrement de ne pas avoir la moindre idée de ce que je dois faire. D’avoir peur de commettre des erreurs irréparables. De chercher des solutions à tâtons sans avoir la moindre certitude qu’il s’agisse de la bonne punition à donner, de la bonne réaction à avoir, de la bonne chose à dire. D’agir tous les jours au mieux de mes compétences tout en ayant l’impression de faire n’importe quoi et de n’être ni plus ni moins qu’une enfant qui en élève un autre.
Je savais que devenir maman impliquerait une multitude d’émotions contradictoires. Mais j’ignorais que suite à la naissance de mon enfant, la fatigue et le cocktail d’hormones qu’abriterait mon corps auraient le pouvoir de me faire pleurer de joie puis de me repousser dans le plus sombre coin de mon esprit sans que je comprenne pourquoi. Sans me donner la recette pour retrouver la sortie. Sans m’offrir la piste nécessaire pour que je retrouve le sourire. Jusqu’à ce que mon bébé m’offre le sien pour la première fois.
Je savais que je m’inquièterais plus que je ne l’avais jamais fait en devenant mère, mais je ne savais pas que mon quotidien serait rempli de petites et de grandes inquiétudes qui m’empêcheraient de trouver le sommeil. La vérité, c’est que la maternité est une route pavée d’inquiétudes aussi insignifiantes que de craindre que son enfant tombe à bicyclette puis d’inquiétudes aussi grandes que de craindre qu’il échoue, qu’il soit intimidé ou qu’il ne tienne pas le coup dans ce monde qui tourne à l’envers.
Je savais que je serais plus fatiguée que jamais en devenant maman, mais je ne savais pas que mon corps aurait la force de résister à l’absence de sommeil plusieurs heures, plusieurs jours et même plusieurs semaines. Je ne savais pas qu’il m’arriverait de bercer mon bébé en pleurant au milieu de la nuit ni de m’endormir, debout, la hanche appuyée sur le comptoir de la cuisine. Je ne savais pas qu’avec le temps, cette fatigue que j’encaissais me briserait. Que je craquerais, à bout de souffle. Comme si mon corps voulait me rappeler pour la première fois d’une longue série que je devais respecter mes limites si je voulais être cette mère que je souhaitais tant être.
Je savais que les crises de mon enfant seraient inévitables, mais je ne savais pas à quel point un petit être pourrait vivre des émotions aussi intenses et que ses crises pourraient provoquer un sentiment d’impuissance en moi. L’impression de ne pouvoir rien dire ni faire en mesure de calmer le torrent de cris et de larmes qui s’emparerait de mon petit. Je ne savais pas non plus qu’elles réveilleraient souvent ma honte et ma colère lorsqu’elles auraient lieu en public. Comme si j’échouais à mon devoir en ne parvenant pas à les éviter ou tout du moins à les calmer.
Je savais que mes petits n’aimeraient pas tout ce que je leur cuisinerais. Mais je ne savais pas à quel point leurs goûts seraient différents, qu’ils adoreraient certains de mes plats, mais en détesteraient d’autres au point de me le laisser savoir de toutes sortes de façons frustrantes et confrontantes. Je ne savais pas que j’en viendrais à craindre le pire et ma propre colère en déposant le dîner devant eux. J’ignorais aussi les montagnes que je gravirais au fil des ans pour maîtriser mes émotions, mais aussi leur apprendre à être reconnaissants d’avoir de la nourriture sur la table et respectueux envers celle qui concocterait repas après repas pour eux.
Je savais qu’être maman serait exigeant. Mais je ne savais pas qu’il m’arriverait d’avoir du ressentiment envers mon conjoint qui ne s’impliquerait pas assez. Je ne savais pas que je me mettrais autant de pression sur les épaules ni que les gens scruteraient à ce point mes faits et gestes, prêts à me donner des conseils, me critiquer ou me juger plutôt que de me proposer leur aide.
Je savais que les enfants occuperaient la plus grande partie de ma vie. Mais je ne savais pas à quel point le temps pour moi manquerait à travers la multitudes de tâches à accomplir et d’activités à faire en plus de mon travail à l’extérieur de la maison. Je ne savais pas que les deux heures qui suivaient l’heure du dodo deviendraient mon seul moment d’adulte et j’ignorais que l’idée d’un voyage dans le sud seule deviendrait l’un de mes plus grands fantasmes même si je me sentirais coupable chaque fois que j’y penserais.
Je savais qu’être maman me comblerait de bonheur. Mais je ne connaissais pas la véritable force de l’amour inconditionnel qui me permettrait de soulever des montagnes pour voir un sourire naître sur le visage de mes enfants. Je ne connaissais pas non plus cette certitude de pouvoir donner ma vie pour protéger la leur.
Je savais qu’être maman ferait de moi une mère comblée. Mais je ne savais pas que la femme en moi en paierait le prix fort. Qu’elle disparaîtrait sous une pile de linge à plier, une flaque de vomi à nettoyer, un rendez-vous à prendre chez le médecin et une épicerie à faire avant de manquer de lait. J’ignorais qu’il serait aussi difficile de composer avec son rôle de maman, d’employée, d’amie et d’amoureuse à la fois. J’ignorais que trouver l’équilibre serait mon nouveau défi. Le défi qui occuperait les vingt prochaines années de ma vie.
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