Plusieurs années sont passées et pourtant je n’ai toujours pas oublié. Je n’ai pas oublié la panique que j’ai ressentie à l’apparition de ces deux petites lignes m’annonçant qu’un bébé grandissait à l’intérieur de mon ventre. J’avais pourtant fait attention, du moins je le pensais, jusqu’à ce que ce test positif me confirme le contraire.
Je ne savais pas quoi faire. Je n’étais pas prête. Le moment était mal choisi. Le papa ne le voulait pas. Je n’étais pas dans un moment favorable de ma vie pour donner naissance à un petit être qui ne dépendrait que de moi. Je devais prendre une décision et n’en voyais qu’une seule possible : l’avortement. Encore aujourd’hui, quand j’en parle, les émotions dans ma tête et mon cœur se bousculent. Regret, honte, douleur et tristesse.
Je me souviens de ce jour comme si c’était hier. Le jour où je me suis fait avorter. Le froid de la salle d’attente, le jugement dans le regard de certaines infirmières, la douleur de ne pas savoir si je prenais vraiment la bonne décision, la tristesse de vouloir garder mon bébé, mais de ne pas être en mesure de le faire. Puis soudainement, tout est devenu noir et quelques minutes plus tard, mon bébé n’était plus.
La seconde précédente, je portais la vie et celle d’après plus rien.
J’ai ressenti un grand vide dans mon corps, une douleur innommable dans mon coeur. Pourtant, au fond de moi, je savais que j’avais fait le bon choix pour cet enfant. Qu’à cet instant-là , je n’avais rien à lui offrir et que je n’aurais malheureusement pas été en mesure de m’en occuper adéquatement.
On m’a dit que la douleur partirait. Que j’oublierais cet épisode de ma vie et que le jour où je tiendrais enfin mon enfant dans mes bras effacerait ce vieux et lointain souvenir. Mais la vérité, c’est que plusieurs années et un enfant plus tard, la douleur ne s’atténue pas.
Je me sens toujours coupable d’avoir enlevé la vie à ce petit être qui ne demandait qu’à vivre. Je me demande sans cesse ce qu’aurait été mon existence si j’avais gardé cet enfant. Je me demande si mon amour pour cet enfant aurait suffi. Je me demande si c’était un petit garçon ou une petite fille et ce à quoi il aurait ressemblé. Non, la douleur ne s’est pas réellement atténuée et je ressens toujours un vide immense qui prend davantage d’espace à l’approche de son anniversaire, celui de mon avortement.
Je sais qu’un retour en arrière n’est pas possible et que cette épreuve a fait de moi celle que je suis aujourd’hui. Je sais aussi que la douleur restera toujours. Mais plutôt que de pleurer toutes les larmes de mon corps et de me sentir coupable, je parviens peu à peu à envoyer tout mon amour à cet enfant que je n’aurai jamais dans l’univers. Avec ce petit espoir qu’il le reçoive là où il est.
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