Mon enfant,
J’aimerais te dire que nous avons fusionné au moment même où tu es venu au monde. Que la peur ne m’a pas envahie quand tu as quitté mon ventre. Mais la vérité, c’est que lorsque que tu es né, j’ai réalisé que je m’étais moi-même enchaînée à jamais, que l’inquiétude ferait partie de ma vie pour toujours et qu’il me faudrait apprendre à vivre avec cet incroyable amour qui venait de me submerger. Cet amour, qui, à force d’aimer trop, fait parfois perdre la tête.
J’aimerais te dire que je trouve facile d’être ta maman. Que je possède la recette miracle pour fonctionner avec toi, l’être que j’ai minutieusement fabriqué. Mais la vérité, c’est que devenir mère ne vient pas avec un manuel d’instructions. Pourtant, j’en aurais bien eu besoin d’un pour comprendre tes tempêtes et toutes tes nuances de blanc, de gris et de noir.
J’aimerais te dire que ça ne m’atteint pas lorsque tu me chantes des bêtises ou que tu me dis que je ne suis pas une bonne maman parce que tu es en colère. J’aimerais être capable d’ériger un mur que la brutalité de tes mots ne pourrait traverser. Je voudrais que ma tête comprenne que ce sont des mots d’enfant fâché et que tu ne les penses pas. Mais la vérité, c’est que chaque fois que tu les prononces, ça me fait mal et je me remets en question.
J’aimerais te dire qu’il ne m’arrive jamais de pleurer de longues minutes dans mon oreiller en me culpabilisant de choses que je t’ai dites ou d’interventions que j’ai faites et qui étaient peut-être mal adaptées. Que je me crois dur comme fer chaque fois que je te donne une consigne. Que je reste constante et cohérente en tout temps, quitte à y passer des heures. Mais la vérité, c’est que la parentalité est de toute évidence un mandat que personne n’est vraiment prêt à relever au cours duquel on apprend sur le tas, avec l’instinct.
J’aimerais te dire que je ne jalouse pas mes amies qui me racontent combien c’est facile de coucher leur petit et qu’à l’école, ce sont des enfants modèles qui réussissent à se tisser une place dans ce grand monde. Que je n’ai pas l’impression permanente de répéter, d’être à bout de souffle et à cours de ressources. Que je n’ai pas l’impression d’être perçue comme une mère qui élève mal son petit qui ne dit pas merci, qui frappe dans les murs quand il est fâché. Mais la vérité, c’est que le quotidien n’est pas toujours facile et il m’arrive de ne pas pouvoir m’empêcher de te comparer aux autres enfants.
J’aimerais te dire que je n’ai pas espéré que ton tempérament explosif et opposant se calme. Que la maturité allait te faire changer. Mais la réalité, c’est qu’en espérant trop fort que tu changes, j’oublie parfois la promesse que je m’étais faite; celle de te donner toute mon énergie et de t’aimer et de t’accepter tel que tu es.
J’aimerais te dire que je n’ai jamais rêvé à ce que ma vie serait si tu n’étais pas là. Que je n’ai jamais espéré avoir tout le temps nécessaire pour prendre soin de la femme que j’étais avant. Mais si tu me demandais si j’aimerais changer quelque chose à la vie que nous menons, je te répondrais que tu es la chose la plus intense et la plus belle qui me soit arrivée. Que ma définition de l’amour a changé à jamais lorsque tu es né. Que de t’avoir dans ma vie m’a fait évoluer et m’a aidée à identifier mes limites et ce que je méritais parce que si tu méritais le mieux, je le méritais aussi.
Mon enfant, il y a bien des choses que je ne peux pas te dire, mais une que je ne te répéterai jamais assez; je t’aime aujourd’hui et t’aimerai à jamais tel que tu seras.
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