Mes enfants,
Je ne veux pas mourir, mais il me reste peu de temps devant moi et ça m’arrache le cœur. À mon âge, avec la vie saine et prudente que j’ai menée, avec notre famille qui m’apporte tant de bonheur, ce n’était pas censé arriver. Pas à moi, pas à nous. C’est injuste. Tellement injuste.
Mes beaux enfants, je ne suis pas prêt à vous quitter. J’ai le sentiment de vous abandonner. Quand je pense à tout ce que je vais manquer, l’idée de ne pas vous voir grandir m’est si cruelle. J’aurais aimé pouvoir vous supporter dans vos moments difficiles, être votre épaule consolatrice quand vous vivrez votre première peine d’amour, vous dire que ça passera, que tout finit toujours par passer, sauf ma maladie faut croire. Ça me fait mal de savoir que je vais rater vos petites et grandes réussites, de ne pas pouvoir prendre mille photos de vous et de vous faire un peu honte tellement j’aurai l’air fier.
Quel souvenir allez-vous garder de moi? Un papa aimant, blagueur, bourru à ses heures, protecteur? Je vous ai toujours dit que votre père était le plus fort, que rien ne pouvait m’ébranler, que les monstres ou les voleurs étaient terrifiés à la simple idée de m’apercevoir. C’était surtout pour vous rassurer, pour que vous vous sentiez en confiance en ma présence. Que pensez-vous maintenant de moi qui suis si fragile sur mon lit d’hôpital, chétif, les joues creuses, le regard vague causé par la morphine? Si vous saviez à quel point j’ai peur.
Je suis incapable de quitter cette vie à laquelle je tenais tant. Évidemment que ça n’a pas toujours été facile, mais avec le recul du condamné à mort, je me rends compte qu’il y a beaucoup de problèmes qui sont assez futiles. Aujourd’hui, je donnerais tout pour continuer ma petite routine et exister tout simplement. Éprouver une dernière fois le sentiment de compter un but dans ma ligue de garage, partir en roadtrip avec la main de votre mère posée sur ma cuisse, vous regarder jouer à Marco Polo dans la piscine en riant, ressentir l’énergie de la foule traverser mon corps dans un festival de musique. La vie va me manquer. J’espère que vous en profiterez encore plus que je n’ai su le faire. Dites oui le plus souvent possible. N’assumez jamais que vous aurez le temps plus tard. Ne vous souciez pas de ce que les autres pensent. Soyez légers, généreux, ouverts d’esprit.
Ça m’enrage de me faire voler toutes ces années à vos côtés, de ne pas avoir la chance de vous voir devenir des adultes, de ne jamais connaître la relation amis-confidents qu’on aurait pu développer. Votre mère et moi nous imaginions vieillir ensemble, acheter un petit condo en Floride pour vous accueillir l’hiver avec vos enfants, nos petits-enfants. Nous souriions à l’idée des bonbons que nous leur donnerions en cachette, alors qu’en ce moment vos demandes répétées sont systématiquement refusées. J’aimais bien me projeter dans le rôle du papi qui arriverait à l’improviste un soir de semaine avec du St-Hubert et qui réparerait le robinet qui coule.
Que c’est étrange de savoir que la planète va continuer de tourner sans moi comme si de rien n’était. Les Canadiens joueront une autre saison de misère. Les politiciens se feront encore élire sur des promesses qu’ils ne réaliseront pas. Le journal sera publié le lendemain de mon trépas sans même une note de bas de page sur ma disparition. Je ne deviendrai qu’une statistique en fin d’année parmi toutes les autres.
Mais tout ça n’est pas ce que je vais regretter le plus. Le plus difficile dans la mort, c’est de dire au revoir à l’amour. Au revoir à ma femme, votre mère, ma meilleure amie, ma boussole, à qui je n’ai pas dit assez souvent combien elle était merveilleuse et dont je raffole comme au premier jour. Au revoir à vous, mes enfants, qui ne pouvez pas comprendre à quel point je vous aime. Au revoir à notre chien, notre gros toutou, mon compagnon des dernières années qui lui, n’aura jamais aucune idée de la raison pour laquelle je l’ai abandonné. Au revoir à mes amis avec qui j’ai fait mes plus belles niaiseries et qui ont toujours été là, même pour me faire rire dans ces derniers moments tragiques. Au revoir à mes parents qui devront enterrer leur enfant; je n’ose pas imaginer ce qu’ils doivent ressentir en ce moment. Et au revoir à moi-même, qui ai adoré être votre père et qui s’accroche à la vie pour poser un dernier regard sur vous, et encore un dernier, et un dernier.
N’oubliez jamais à quel point je vous aime. Je veillerai sur vous de là-haut, c’est promis.
Ah et j’oubliais, je vous ai effectivement menti. Ce n’est pas votre papa le plus fort. C’est votre mère.
À la mémoire de mon ami. Bon voyage mon chum.
Je croyais bien pouvoir lire ce texte avec empathie, certes, mais mes émotions ont flanchées. J’ignore qui vous étiez, Charles, mais visiblement vous deviez être quelqu’un de bien, d’honnête, de compagnie agréable. Je vous salue bien bas. Je voudrais souligner ici une qualité hors du commun de notre langue française. J’insiste puisqu’il est devenu rare que quelqu’un rédige un texte structuré comme le vôtre sans faute d’orthographe. (lecteur) Vous direz probablement; quelle importance! Moi, je conclurai qu’il avait un profond respect pour sa langue. Charles! Vous faites mention que vos parents devront être confrontés a votre départ. Je peux vous affirmer hors de tout doute, qu’ils traverseront une épreuve des plus pénibles, soit la perte d’un enfant, peu importe qu’il soit jeune ou moins jeune. J’ai traversé, que dis-je? je n’ai pas atteint l’autre rive, cette épreuve et je ne m’en remettrai jamais. Pas une journée ne passe sans ressentir cette absence et ce, après bientôt cinq ans. J’aurais aimé vous serrer la main Charles, avant le grand départ.
de la haut il les protegerats ;ses paroles resterat graver dans leur memoire a jamait tres belle lettre d adieux