Mon enfant, ma douceur, mon torrent, mon amour,
Tu es encore petit, mais déjà tu nous dis que tu ne veux pas rester seul avec nous. Tu vois tes amis de la garderie devenir grands frères et grandes sœurs au fil des saisons et tu te questionnes. Pourquoi pas toi ? Oh mon bébé… que te dire, si ce n’est que papa et maman n’ont toujours souhaité qu’un seul enfant. Avant même ta naissance, nous savions que tu serais unique et le resterais. C’était notre choix, qu’importent l’âge et les circonstances.
J’aimerais toutefois te dire que nous savons ce que cela implique pour toi. Pas de souvenirs de fratrie, pas d’excursions partagées dans le bois, pas de niaiseries à deux ou trois dans le sous-sol, pas de modèle à suivre ni de frère ou de soeur à protéger, pas de nuits sans sommeil à cause des pleurs du bébé. Pas de partage, pas de vêtements neufs à envier, pas de pratique de base-ball à suivre en attendant la tienne. Personne pour détester les épinards avec toi ni de chicane pour choisir un film à ton goût. Pas d’équipier pour faire rouler les camions de la Pat’Patrouille partout dans la maison le matin pendant que papa et maman prennent leur café. Pas de confident, de partenaire. Personne à affronter à part nous, les grands. Personne d’autre à questionner, à qui partager tes joies et tes inquiétudes, tes grandes et petites questions.
Tu joues seul dans ta catégorie, mon lapin, je le sais. Et je me doute que ça va te peser par moments. C’est déjà parfois le cas. Mais il y a des bons côtés à grandir seul, que tu découvriras en temps et en heure.
Je ne veux pas tenter de te convaincre d’un état de fait et d’une décision qui ne t’ont jamais appartenu ; je veux juste te dire que papa et moi savons, mon grand. Nous avons conscience, encore une fois, de ce que notre choix implique pour toi. C’est pour cette raison que nous invitons tes amis à la maison et que nous recevons amis et parents régulièrement. Nous accueillerons toujours à bras ouverts ceux qui partagent ton quotidien en dehors de chez nous. Pour apaiser ta solitude. C’est aussi pour cela que tu es allé à la garderie assez tôt et que nous t’apprenons depuis longtemps à donner tes jouets, à partager tes collations, à écouter les grands comme les petits. À attendre ton tour. À prendre conscience des autres.
Au quotidien, nous t’accompagnons avec tout notre amour, mais aussi avec notre rigueur et nos valeurs. Tout ne t’est pas permis ni donné sans effort sous prétexte que nous n’avons que toi. C’est difficile pour toi parfois, je le sais. Tu ne comprends pas toujours ce que nous te demandons et t’imposons, mais c’est notre façon d’assumer notre décision et de faire de toi un adulte bienveillant, empathique et ouvert aux autres même si tu es enfant unique.
Parce que tous les rêves et les ambitions que nous avons pour notre progéniture ne peuvent reposer que sur toi, j’aimerais aussi te promettre de faire peser sur tes épaules le moins de poids possible. Nous nous engageons, ton papa et moi, à te guider dans ta propre vie sans exiger de toi que tu deviennes le prolongement de nos ambitions. Chaque enfant est unique, au fond, et le fait que tu sois notre seul enfant est notre responsabilité, pas la tienne.
Merci pour ce texte qui fait du bien à lire malgré le fait que notre enfant est triste d’être seul et face à l’incompréhension des gens.
C’est rassurant de savoir que nous ne sommes pas seuls dans cette situation et que notre décision nous appartienne à nous seuls