Je suis une femme forte, mais la pandémie m’a fait craquer.
Derrière mon armure de fonceuse, de maman, de battante, de guerrière, se cache une petite fille sensible en manque d’amour. En manque de câlins. En manque de beau. De vie. D’espoir. Cette petite fille, hier soir, a craqué. Sous la pression de toujours être au front, de toujours rassurer et protéger son clan, elle a laissé les larmes couler sur ses joues. Lentement, silencieusement, malgré la tempête de rage qui sévissait au-dedans.
Je suis une femme forte, mais la pandémie m’a fait craquer.
Hier soir, après avoir bordé mes petits, après leur avoir souhaité bonne nuit, après avoir senti leur odeur si délicate, avoir étendu mes jambes pour la première fois de la journée, j’ai soupiré. D’épuisement, d’ennui, de solitude. Malgré la maison bien remplie. En raison d’une foule de choses et de plein d’humains qui me manquent terriblement. Et, sournoisement, les larmes se sont invitées sur mes joues. Un trop-plein d’émotions face à cette situation sans précédent. Je n’ai pas tenté de le retenir, ce flot de frustration qui demandait à couler tranquillement, à s’infiltrer dans les fines rides de ma peau à la fois rude et fragile.
Je suis une femme forte, mais la pandémie m’a fait craquer.
Moi, qui est toujours au-dessus de la mêlée, au-devant des troupes, en contrôle de la situation – je suis devenue celle qui subit les contrecoups d’un raz-de-marée que personne n’avait prévu. Qu’il se nomme Covid ou autrement, je n’ai eu d’autre choix que de me laisser emporter par la vague, le tsunami, qui a fait tant de dommages collatéraux. Pour mes petits, pour mon amoureux, pour mon travail, pour moi-même, j’ai depuis plusieurs mois plaqué sur mon visage un sourire aux couleurs de l’arc-en-ciel, j’ai retroussé mes manches et j’ai continué de me lever, chaque jour que la vie m’apporte, avec cette volonté de fer qui me caractérise. Cette même volonté qui me permet d’affronter chaque journée avec optimisme et courage.
Je suis une femme forte, mais la pandémie m’a fait craquer.
Parce que je me suis moi-même donné ce rôle de fière combattante, peut-être pour épargner la santé mentale de mes chéris, sans nécessairement avoir les armes assez aiguisées pour vaincre un ennemi beaucoup plus grand que moi. Beaucoup plus fort que tout. Mon armure s’est effritée au fil du temps, mes bras sont tombés, et mes yeux se sont clos. Parce que j’ai le droit d’avoir peur, moi aussi. Parce que je peux me sentir impuissante. Parce que rien ni personne n’est à l’abri de ces émotions, de ce sentiment de solitude, de cette détresse passagère.
Je suis une femme forte, mais la pandémie m’a fait craquer.
J’ai pleuré de frustration, de dégoût, de découragement. Mes larmes transportaient toute la colère, la rage et l’impuissance face à tant de situations hors de mon contrôle, face à tant d’individus au comportement je-m’en-foutiste, à l’aube d’un hiver plus froid qu’à l’habitude. Un hiver sans accolades, sans l’espoir de visites et de soirées bien arrosées, en compagnie de mes racines, des êtres qui partagent le même sang que moi. C’est contre ma nature profonde que de me priver de ces moments de bonheur. Je me dis que la vie est si courte. Si précieuse.
Je suis une femme forte, mais la pandémie m’a fait craquer..
J’ai versé des larmes d’inquiétude, mais aussi de résilience. Car, au fond de moi, je sais que c’est le prix à payer pour pouvoir trinquer à nouveau, avec ceux qui me sont chers. J’ai laissé la tristesse m’envahir le temps d’un instant, un long instant qui m’a permis de réaliser que la force qui m’habite, elle est plus puissante que tout. Qu’avec son alliée appelée patience, elle permettra à mes troupes de triompher et revivre. Bientôt.
Je suis une femme forte qui, malgré la pandémie, s’est relevée.
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