Maman, depuis que tu es partie, j’ai oublié ce que c’était d’être ton enfant.
Les souvenirs de mon enfance à tes côtés sont de plus en plus vagues, imprécis et ce soir, en berçant mon petit, je réalise que j’aimerais revenir en arrière. Redevenir ta petite fille, juste une journée, juste une nuit. Juste pour ressentir à nouveau l’intensité de ton amour maternel et la force de mon amour pour toi alors que tu étais le coeur de ma vie.
J’aimerais sentir s’illuminer en moi ces empreintes indélébiles, les rendre perceptibles à nouveau, vivre par elles pour quelques heures seulement. Ressentir à nouveau.
J’aimerais être bercée par tes bras, par ta voix, par ta chaleur. J’aimerais me sentir soulagée de te savoir près de moi, toujours prête à répondre à mes « Maman! » incessants, avec ta patience et ta douceur, tes mots doux et tes caresses. J’aimerais me lover à nouveau contre toi, les yeux fermés. Te reconnaître par ta façon de me toucher.
J’aimerais à nouveau sentir ton parfum, unique. J’aimerais que ses douces effluves suffisent encore à me réconforter.
J’aimerais que tu me bordes à nouveau. Jusqu’aux oreilles, comme j’aime encore le faire aujourd’hui avec mes propres enfants une fois la nuit tombée.
J’aimerais t’entendre revenir d’une soirée, écouter tes pas s’approcher de ma chambre, sentir ta main se poser sur mon front et tes murmures sur mon coeur.
J’aimerais pouvoir me réapproprier ma mère, celle qui avait toutes les réponses et pour qui aucun problème n’était insurmontable. Celle qui était la solution à tous les maux, celle qui savait toujours trouver les bons mots.
J’aimerais que mes souvenirs de ton visage se penchant vers moi au moment de dormir soient encore clairs comme le jour. J’aimerais que ces images qui sont gravées en moi ne soient plus que le fruit de mon imagination qui a voulu combler les trous de ma mémoire.
J’aimerais pouvoir comprendre à nouveau l’exacte nature du regard que mes enfants posent sur moi. Comment leur univers peut reprendre son sens par le simple fait de m’apercevoir et d’être dans mes bras.
Et par moments, Maman, j’angoisse à l’idée que mes enfants oublient à leur tour chacun de mes gestes, de mes mots. Que mon amour pour eux ne devienne qu’un mirage, qu’ils oublient mon visage tel qu’il est maintenant lorsque je me penche sur eux. Je crains le moment où il ne leur restera à leur tour qu’une infime trace de moi, difficilement perceptible et reconnaissable, parce que je les aurai à mon tour quittés.
Maman, j’ai oublié ce que c’était d’être ton enfant maman et ça me rend infiniment triste. Mais je te sens en moi, dans chacun des gestes et des mots que je pose auprès de mes enfants et ça me console. Parce qu’en le faisant, je te retrouve un peu, telle que tu as été pour moi, par tes propres gestes et tes propres mots quand tu t’occupais de moi petite.
Alors, je comprends que je n’ai jamais vraiment oubliée ce que c’était d’être ta petite fille.
Alors, je comprends mes enfants ne m’oublieront jamais.
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