Mon corps a porté la vie. Mon corps a donné la vie. Mon corps nourrit cette vie. Mais ce n’est plus mon corps à moi.
Ces mots, je les porte en moi comme je t’ai porté mon bébé. D’abord dans mon ventre, maintenant dans mes bras, parfois sur mon dos. Ces mots qui s’agrippent à mon reflet dans le miroir comme tu t’agrippes à moi quand tu veux que je te prenne.
Je ne me reconnais pas. Mon corps ne me va plus. J’ai mal suivi les instructions sur l’étiquette. Il s’est déformé au lavage.
Alors que j’étais enceinte de quelques semaines et que tu n’étais qu’un petit signe positif sur un test de grossesse, déjà la responsabilité pesait lourd sur mes épaules puisque tout ce que je faisais, ce que je buvais et tout ce que je ressentais avait un impact sur toi. J’ai tellement eu peur de te faire du mal, de te perdre. Mon corps n’était plus à moi; c’était ta maison maintenant et si je prenais soin de moi, c’était pour prendre soin de toi. Puis, après avoir passé quarante semaines à me flatter la bedaine, j’ai perdu ce qu’il me restait de mon corps parce qu’à la seconde où je t’ai eu dans mes bras, je l’ai complètement oublié et il est devenu mon outil.
Mon corps a été ta maison. Mon corps a été un véhicule. Mon corps est un laitier.
Après ta naissance, les jours et les nuits se sont mis à se ressembler et à se confondre. J’étais ton horaire à toi. Mon corps obéissait à tes besoins. Il t’a nourri, réconforté, gardé au chaud, bercé et endormi. Même si tu l’avais maintenant quitté et que je vivais à nouveau seule dans mon corps, il ne m’appartenait toujours pas; je n’en étais plus le bénéficiaire principal. J’étais en amour avec toi par-dessus la tête et je ne pensais même pas à tout ce temps que je te consacrais qui m’avait jadis appartenu. J’étais sur un nuage. Mon corps n’était plus le mien, mais je ne t’en voulais pas.
Mon corps s’est transformé. Mon identité avec. Mon corps a fait de moi une mère.
Quand tu as eu quelques mois, mon bébé, maman est devenue bien fatiguée. Tu te réveillais aux deux heures et tu ne voulais que moi. Je t’allaitais seule dans le noir en cherchant une position confortable. Rien ne me soulageait. J’ai eu mal partout. J’ai eu mal en dedans. Si je te déposais tu te réveillais. Je te berçais seule dans le noir. Je fredonnais, mais ma voix était cassée par mes sanglots. Je pleurais en silence. Maman t’aimait encore plus que tout, mais elle était épuisée, mon cœur. Elle te donnait son corps pour répondre à tous tes besoins et elle s’est oubliée, elle s’est perdue. Mais c’est correct parce que c’était pour ton bien. Tu avais besoin de moi et moi, j’ai oublié ce dont j’ai besoin.
Mon corps restera toujours ta maison. Mon corps sera ton bouclier. Mon corps pourra toujours te réconforter.
Tu viens maintenant d’avoir un an. Tu es confiant et sociable. Je réalise que mon corps n’a plus la responsabilité de répondre seul à tes besoins. Tu bois mon lait ailleurs qu’à la source, tu manges, tu ne t’endors plus juste dans mes bras. Tu réagis toujours bien quand tu te fais garder. Bref, tu grandis. Je peux reprendre possession de mon corps, maintenant. Sauf que je ne sais pas comment. Depuis les douze derniers mois, ce sont tes besoins que j’écoute. J’ai perdu le contact avec les miens.
Je regarde mon corps dans le miroir. Je réalise qu’il n’a pas tellement changé. C’est ma réalité qui est différente. Mes priorités qui ne sont plus les mêmes.
Wow c’est si bien dit ❤ Merci pour ce partage ma belle grande soeur xox