Tu m’as demandé de peigner la petite. J’ai vu dans ton regard qui se voulait fort que cela te déchirait. De te retrouver incapable de coiffer ta fillette, de lui faire une simple toque, te donnait envie de pleurer.
Tes symptômes s’intensifient sournoisement de jour en jour. Les petites tâches banales du quotidien deviennent complexes et ton inquiétude voile de plus en plus ton regard. Tu veux savoir si c’est grave. Tu veux savoir si c’est permanent ou passager. Tu veux savoir si ça va encore empirer. Tu veux savoir, tout simplement.
Je sais que tu ne t’inquiètes pas pour toi, tu t’inquiètes pour eux. Tu as peur de ne plus arriver à leur en donner autant. Tu crains de ne plus être la même maman. Tu ne veux pas devenir un fardeau qui leur impose des responsabilités de grands. Tu ne penses pas à toi là-dedans, tu penses à eux, tes enfants.
Tu ne leur en as pas encore parlé car tu attends le verdict du médecin. Tu souris et tu fais semblant de rien. Mais je la vois au fond de tes yeux, la crainte colérique qui brille. J’entends ces soupirs que tu veux subtils. Je te vois serrer les poings en cachette.
Le plus difficile, c’est cette impuissance fourbe qui nous tient entre ses griffes, toi, moi et tous ceux qui t’aiment. On ne peut qu’attendre et espérer. Je ne peux ni alléger tes peurs, ni te rassurer. Je peux être là, mais je ne peux pas te dire que tout va bien se passer. Je ne peux pas prendre ton mal, même pour une petite journée. Je ne peux pas accélérer l’analyse du médecin. Je ne peux pas; je n’ai même pas réussi à coiffer la petite aussi bien que tu l’aurais fait.
J’aurais voulu que ce soit moi. Mais c’est toi, le pilier de la famille, le capitaine du bateau, c’est toi que la maladie a choisie. Je continue de croiser les doigts. D’espérer une pacotille bénigne qui se sera bien moquée de nous. Je continue à te dire que je serai là, à tes côtés, peu importe ce qui arrivera. Je persiste et signe, on trouvera ensemble et on combattra l’insidieux mal-être qui cherche à s’emparer de toi.
Et je te le promets, avant longtemps, je vais apprendre à faire une toque à la petite aussi bien que toi.
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