Aujourd’hui, je m’adresse à toi, celui ou celle qui juge le suicide en général et plus spécifiquement celui des mamans sans essayer le moindrement de comprendre la détresse de la personne à l’origine du geste. J’étais comme toi avant. Le suicide allait totalement à l’encontre de mes valeurs. Je me disais qu’il était impossible qu’une personne puisse en arriver à mettre fin à ses jours sous un motif autre que par lâcheté. Shame on me. Avec les années, mon opinion s’est quelque peu adoucie, mais clairement, je ne comprenais toujours rien. Et bien honnêtement, je pense que je n’aurais jamais pu comprendre si je n’avais pas eu envie de mourir moi aussi.
Je ne suis pas atteinte de maladie mentale, je n’ai jamais fait de dépression ni souffert d’anxiété, je n’ai jamais été agressée psychologiquement, physiquement ou sexuellement et je n’ai pas vécu d’intimidation à l’école. Pourtant, j’ai voulu mettre fin à mes jours.
Il y a un an, tout s’est effondré et je n’arrivais plus à sortir la tête de l’eau.
La vie ne m’a pas épargnée en termes de deuil. Au cours des années, j’ai malheureusement vu beaucoup de gens que j’aimais mourir, mais j’ai toujours su me relever et continuer de croire en la beauté de la vie jusqu’au décès de mon conjoint l’année dernière. Mon monde s’est littéralement effondré devant mes yeux le jour de sa mort.
En l’espace de deux minutes seulement, j’ai perdu l’amour de ma vie, mon meilleur ami, mon confident, le père de mes enfants, mon partner de job. On passait toutes nos journées ensemble sans exception, on se levait le matin ensemble, on travaillait ensemble, on revenait à la maison ensemble et on se couchait ensemble le soir. Quand je l’ai perdu, j’ai perdu tous mes repères. J’avais l’impression d’avoir cessé d’exister.
Après être passée à travers l’organisation des funérailles et de la paperasse administrative, mon cerveau a complètement décroché et il a tiré la plug. Il est allé s’enfermer bien loin au plus profond de moi, là où plus aucune pensée rationnelle n’était en mesure de l’atteindre. Je me suis déconnectée de la réalité et c’est à ce moment-là que l’idée de mourir s’est frayée un chemin dans mon esprit jusqu’à y prendre éventuellement toute la place.
Ma mort m’obsédait nuit et jour, à chaque heure et à chaque minute. Je me suis isolée parce que j’avais l’impression d’être devenue un fardeau dont personne ne voulait. Une vieille patente électronique dont on se sert encore seulement par conscience écologique, mais dont on a bien hâte qu’elle rende l’âme afin d’en être enfin débarrassé et de pouvoir s’en acheter une neuve. Je regardais des photos de mes amis sur les réseaux sociaux et devant leurs visages heureux et choyés, je me disais que ça ne m’arriverait plus jamais. Que le bonheur, c’était fini pour moi. Je me disais que plus personne n’allait vouloir me fréquenter, parce que sans lui, je n’étais rien, j’étais vide et inintéressante. Je me disais que seule avec mon enfant, je n’allais plus pouvoir sortir de chez moi et faire des activités. Que ça allait être trop compliqué de le faire garder constamment.
Mon garçon, la seule chose qui me rattachait un tant soit peu à la vie est peu à peu devenu une raison pour moi d’en finir. Dans mon monde distordu et déconnecté, j’allais même faire ça pour lui. Pour qu’il soit libéré de moi, libéré d’une mauvaise mère dont il n’avait plus besoin. J’étais convaincue de ne plus être ce qu’il y avait de mieux pour mon enfant. J’étais convaincue que si je mourais, il aurait à nouveau à la fois une maman et un papa qui prendraient soin de lui et qu’il ne mangerait plus de céréales et de Kraft Dinner tous les jours.
J’étais épuisée de me faire dire à quel point le monde me trouvait forte et courageuse pis de devoir le feindre. J’étais tannée d’être un malaise ambulant partout où j’allais. J’étais à bout de souffrir autant, de pleurer nuit et jour. J’étais incapable d’imaginer l’avenir sans lui. Il n’y avait aucune issue à mes yeux, aucun bonheur possible. Juste un monde brun marde plate dans lequel personne n’aurait voulu mettre les pieds.
Je voulais mourir parce que je croyais sincèrement que le monde allait clairement être mieux sans moi. Je ne servais plus à rien ici. J’en choquerai probablement plusieurs en vous disant que j’étais enceinte à ce même moment mais pour moi, cet enfant-là, il n’existait plus; mon cerveau l’avait complètement rayé de la carte, et de toute façon, avec tout le stress que j’avais vécu, j’étais convaincue que j’allais faire une fausse couche.
J’avais sorti mon testament et j’avais fait une liste de mes comptes. Je savais comment j’allais faire pour mourir et j’étais prête. Je voulais arrêter de souffrir et par-dessus tout, je voulais être de nouveau avec lui. Mais chaque fois que j’y arrivais, que j’allais le faire, une peur transcendante me traversait le corps et l’esprit. Je n’avais pas peur de mourir ou de souffrir; j’avais peur qu’il ne veuille plus de moi là-haut, qu’il m’en veuille d’avoir abandonné notre fils, qu’il ne m’aime plus. Et c’est pour cette unique raison que je suis encore ici aujourd’hui. Aussi stupide que cela puisse paraître, c’est ce qui m’a gardée en vie : l’idée que mon chum mort puisse ne plus vouloir de moi au paradis.
Puis, peu à peu, avec le temps, mon cerveau a tranquillement refait surface, il s’est reconnecté, et j’ai cessé de vouloir mourir constamment.
Je mentirais si je vous disais que ces idées noires ont disparu à la même vitesse qu’elles sont arrivées. Pendant ma grossesse, j’ai souvent espéré secrètement mourir à l’accouchement. J’avais de la médication prescrite pour contrecarrer la haute pression que je n’ai pas prise à tous les jours en me disant que j’allais avoir plus de chance de mourir d’une éclampsie. J’ai souvent eu l’envie qu’un conducteur de dix-roues distrait par ses matchs Tinder sur son cellulaire me rentre dedans avec son truck. Mais ce n’est pas arrivé. Et aujourd’hui, j’en remercie la vie.
Rien n’est facile, rien ne le sera toujours. Des journées difficiles, il y en a encore beaucoup. Aujourd’hui, notre petite famille est encore brisée, incomplète et il m’arrive de vouloir tout abandonner, mais je ne le fais pas. Pour mes enfants. Pour moi. Parce que nous continuons d’être une famille à notre façon. Nous sommes marqués à vie, mais nous serons heureux. Nous allons nous aimer tous les trois et même si j’ai perdu tous les papas de ma vie, j’ai deux petits hommes qui m’amènent un bonheur infini comme l’univers.
La vie vaut la peine d’être vécue.
Même quand elle nous rentre dedans à grands coups de fuck you.
J’espère qu’en me lisant aujourd’hui, certains auront éveillé leur conscience. Le suicide n’est pas un choix pour ceux qui en arrivent là, c’est la seule solution possible, le seul moyen d’arrêter de souffrir. Ce n’est pas un geste égoïste; les gens qui le font sont convaincus que leurs proches seront mieux sans eux. Les gens qui se suicident et ceux qui tentent de le faire ne sont pas faibles; ils ont besoin d’aide.
Ne sous-estimez jamais la détresse humaine.
Les gens que vous croyez les plus forts sont peut-être ceux qui ont le plus besoin de vous.
Je suis une maman et je n’ai plus envie de mourir.
Belle Myriam,
Je sais que tu as dû toucher le fond…
Je t’admire pour le fait que tu es réussi à immerger malgré le grand désespoir qui devait t’habiter et qui t’habites sûrement ecore.
Je te souhaite de guérir juste assez pour être capable d’ouvrir ton coeur à nouveau pout toi et tes magnifiques petits bonhommes…
Tu as le droit de redevenir heureuse, juste le temps te le prouveras….
Je vous aime très fort tes ptits cocos et toi!!!
Une tante qui a encore beaucoup de peine d’avoir perdu un merveilleux neveu…xxx
ouf. (J’ai le gros frisson et le coeur gros de lire ton histoire). que de courage ça a du te prendre pour écrire ceci! je te félicite d’avoir repris ta vie en mains. j’aimerais être à côté de toi pour te faire un câlin et te donner un coup de main. je te souhaite de trouver des bouées de sauvetage autour de toi pour te donner du répit, te refaire le moral. et par-dessus tout, je te souhaite d’être heureuse avec tes petits amours. Bon courage. xxx
Bravo !
Bonjours à toi je sais pas si c’est possible de pouvoir te parler j’ai un membre de ma famille qui vie présentement exactement le même malheur que toi et je me dit si ta réussi a apprendre à vivre avec cette horrible douleur peut être que de parler Avec elle pourrais l’aider aussi je vous laisse mon email si vous voulez me répondre svp . [email protected]
Merci
Les mêmes idées que toi pour d’autres raisons… Et ce sont mes enfants qui me tiennent en vie
Je suis actuellement au même point que toi quand tu avais préparé ton départ. Maintenant, tu dis que la vie vaut la peine d’être vécue. Comment? Pourquoi? Qu’est-ce qui vaut la peine? Je te le demande car ça fait plusieurs années que je veux mourir et on m’a dit souvent, mais non, tu verras un jour tu remercies la vie. J’ai 48 ans, 3 ados et le bonheur ne se pointe pas.
Je reste en vie pour la seule et unique raison de ne pas « scrapper » la vie des mes enfants.